Pour sa première mise en scène au théâtre, le réalisateur Claude Desrosiers retrouvera le comédien Maxime Denommée, qu'il a dirigé dans la télésérie Aveux et qui défendra le personnage de Daniel, survivant d'un violent accident d'autobus.

Aveux, l'une des téléséries les plus intrigantes des dernières années, avait surtout révélé le talent de son auteur Serge Boucher, issu du théâtre (Avec Norm, Motel Hélène). Le dramaturge y signait avec succès son premier scénario pour le petit écran.

Ironiquement, Claude Desrosiers s'apprête à faire le saut en sens inverse. Celui qui a réalisé avec brio la série Aveux, mais aussi Un sur deux, Les hauts et les bas de Sophie Paquin, Penthouse 5-0 et autres Vice caché, signera sa première mise en scène de théâtre cette semaine.

Mais quelle mouche a piqué le réalisateur pour qu'il se lance dans l'arène théâtrale?

«Je ne me sens pas si étranger que ça au théâtre, répond ce diplômé en jeu du Cégep de Saint-Hyacinthe. Je fréquente beaucoup les théâtres. Ça m'aide à diriger les acteurs en télé, à être proche d'eux, à comprendre le jeu d'une autre manière. J'ai aussi monté une pièce avec des finissants de l'École nationale, alors je me sens quand même à l'aise...»

C'est Jean-Denis Leduc, du Théâtre de la Manufacture, qui a pensé à lui pour monter Débris, de l'Irlandaise Ursula Rani Sarma. Claude Desrosiers l'avoue d'emblée: c'est le plaisir de travailler avec des acteurs qui l'a convaincu de faire le saut. «Je m'investis beaucoup dans ma direction d'acteurs, affirme-t-il. Je prends vraiment plaisir à les voir jouer.»

«C'est sa force, nous dit Maxime Denommée, qui a connu Claude Desrosiers sur le plateau d'Aveux et qui interprétera le rôle principal dans Débris. Claude est l'un des meilleurs directeurs d'acteurs que j'ai rencontrés.»

«Claude a le tour de nous amener plus loin. On joue souvent la scène, on consomme l'émotion, mais il nous ramène toujours à l'émotion du spectateur.»

De la télé au théâtre, comment le metteur en scène s'adapte-t-il à son nouveau rôle?

«En télé, je peux pousser l'acteur à très peu d'avis vers une émotion précise, répond Claude Desrosiers. Tandis qu'au théâtre, il y a une discussion au préalable, qui amène l'acteur à assimiler ma vision du personnage. Il faut qu'il intègre parfaitement l'ensemble des traits de son personnage pour le jouer soir après soir. Heureusement, on a plus de temps au théâtre qu'en télé, où on filme vraiment dans l'urgence.»

Comédie noire

Cette comédie noire raconte l'histoire d'un artiste peintre, Daniel (Maxime Denommée), survivant d'un terrible accident d'autobus, qui peine à retrouver l'inspiration. Il trouvera un certain réconfort auprès d'une autre survivante, LJ (Evelyne Rompré), qui a perdu l'usage de ses jambes dans l'accident et qui tombe amoureuse de Daniel.

Trois autres personnages graviteront autour d'eux. La jeune soeur de Daniel, Steph (Dominique Laniel), qui cohabite avec lui. Le chum de sa soeur, Karl (Mathieu Quesnel), qui méprise les artistes en général et Daniel en particulier. Et un psychiatre, Gerry (Roger La Rue), lui-même aux prises avec des drames familiaux.

À travers une expo de photographies et des performances insolites, le personnage de Daniel tentera de se sortir de son tourment.

«Il est dans sa bulle, détaille Maxime Denommée. Ce rôle-là, je le jouais avec une certaine désinvolture au départ, mais Claude m'a amené complètement ailleurs. Je le joue de façon très cérébrale, sans aucun humour, de façon assez intense, parce qu'il est vraiment très fragile.»

Le personnage du beau-frère Karl, interprété par Mathieu Quesnel, s'annonce déjà comme l'un des ressorts comiques de la pièce, même s'il est terriblement cruel. «Ce personnage est intéressant parce qu'il y a plein de gens qui se questionnent sur l'utilité de l'art en général», nous dit Claude Desrosiers.

«Le cheminement de Daniel a vraiment un écho sur l'art. C'est un questionnement percutant. A-t-on le droit de prendre les cendres de quelqu'un pour en faire une toile? Peut-on aborder un sujet comme l'islam, comme l'a fait Michel Houellebecq, et en faire un roman?»

Denommée, un atout

Maxime Denommée, lui, ne participe pas à cette production par hasard. Le comédien s'est frotté à un autre dramaturge irlandais, Dennis Kelly, signant la mise en scène de deux de ses pièces: Orphelins et Après la fin. Deux drames familiaux aux dialogues parfaitement rythmés qu'il a livrés avec finesse et intelligence.

«C'est dans la tradition des black comedies, précise-t-il. Ce sont des pièces où on traite de sujets très graves - de la mort, du suicide, ici de la culpabilité des survivants -, mais où l'humour est toujours là comme soupape et participe à cet échange avec le public. Parce que lorsque tu fais rire les spectateurs, ils sont plus ouverts à être touchés ou remués.»

Il ne faut pas s'attendre à une scénographie réaliste. En s'appuyant sur des projections, Claude Desrosiers s'est concentré sur les relations qu'entretient Daniel avec les membres de son entourage. «On ne sait pas si c'est le jour ou la nuit, si on est dedans ou dehors, on est dans l'oeil de la tourmente», évalue Claude Desrosiers.

Au terme de ce baptême de théâtre, qu'est-ce que le metteur en scène a le plus apprécié?

«Honnêtement, je me sens privilégié d'avoir pu passer autant de temps avec les acteurs, d'avoir été aussi loin avec eux, estime-t-il. Même si je vais retourner travailler en télé, c'est sûr. Je n'ai pas d'autres projets de théâtre sur la table en ce moment, mais je vais sûrement en refaire. J'espère.»

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À La Licorne du 17 février au 28 mars.

PHOTO ANDRÉ PICHETTE, LA PRESSE

Maxime Denommée