À 24 ans, Philippe Boutin est le prototype de la nouvelle génération théâtrale au Québec. Ambitieux mais pas prétentieux, «mégalo» mais pas trop, à la fois sérieux et enjoué. Portrait d'un jeune poète.

Philippe Boutin a un côté à la fois sauvage et spirituel, pratique et ésotérique, brut et tendre. Entre sport et poésie, le créateur refuse de choisir. Il privilégie donc un art qui marie l'un et l'autre. «Je ne fais pas du théâtre, mais des spectacles, répète-t-il souvent en entrevue. Je n'aime pas le mot «théâtre». À mon avis, de toutes les disciplines artistiques, le théâtre est celle qui a le pire branding! Si on t'invite à une pièce de théâtre, tu ne penses pas automatiquement à "plaisir"...»

Le jeune homme a deux personnalités. Il y a l'interprète qu'on a vu l'automne dernier dans la pièce Koalas au Théâtre d'Aujourd'hui, et celui qui a dansé dans le triptyque de Dave St-Pierre, en tournée européenne. (Boutin et des interprètes de la troupe vont présenter des extraits de Foudres au cours d'un concert de l'ensemble Caprice, le 17 janvier, à la salle Pierre-Mercure.)

Polir son diamant intérieur

Au printemps 2013, sans aucune expérience de mise en scène ni de production, Philippe Boutin a créé Détruire, nous allons, un spectacle extérieur avec 40 interprètes, en collaboration avec Dave St-Pierre. Le spectacle a été repris en juin dernier sur un terrain de football à Longueuil. Un moment magique!

«La beauté du théâtre, c'est l'éphémère. Ou plutôt: de lutter contre l'éphémère en créant de l'événementiel», observe-t-il. Son prochain projet d'écriture, intitulé The Rise of the Bling Bling, parlera de la venue «d'un nouveau prophète» qui nous aidera à apprendre à «polir notre diamant intérieur». Ce spectacle sera encore plus démesuré que Détruire. Il sera joué de nuit par 100 interprètes dans un lieu extérieur, «idéalement une plage, pour voir le lever du jour au bord de l'eau», indique Boutin.

Il y sera question d'Ancien et de Nouveau Testament. De Macbeth et de Voldemort. De spiritualité et d'arts martiaux. Du sacré et du pop. Et il y aura de quoi boire et manger. Ouf!

Philippe Boutin veut le proposer au FTA (pour le printemps 2016 ou 2017). Il pense aussi demander au mythique artiste chilien Alejandro Jodorowsky de faire la narration. On doit ici préciser que Boutin a vu récemment un documentaire sur le réalisateur d'El Topo et de La Montagne sacrée. Depuis, Jodorowsky est devenu un guide artistique et spirituel.

Lorsque le jeune homme parle de lui, ses yeux s'illuminent et son corps s'agite. «Pour Jodorowsky, le but de la vie, c'est de se créer une âme, d'éveiller sa conscience. C'est aussi, selon moi, le but de la création.»

«J'aime le théâtre qui sent la sueur, le sport, le corps... Des acteurs sur scène qui ne suent pas et jouent mécaniquement, c'est du théâtre qui sent le métal», conclut Boutin.

Ce qui l'allume

THÉÂTRE

The Book of Mormon 

«Une comédie musicale épique qui se termine par cette réplique: «I still have maggots

in my scrotum! "»

FILM

Jodorowsky's Dune

«Un documentaire fascinant dont le sujet est Alejandro Jodorowski et son projet d'adapter au cinéma le roman Dune. Un projet énorme et jamais réalisé qui aurait réuni Orson Welles, Salvador Dali, Mick Jagger, Pink Floyd (pour la musique), Moebius (à la direction artistique)... »

MUSIQUE

Gesaffelstein

«Le meilleur spectacle de musique que j'aie vu de ma vie ! Après la prestation du DJ français au Métropolis, en novembre dernier, je me suis demandé pourquoi je faisais du théâtre. Mais c'est positif. »

ARTS VISUELS

The End of Fun

« Une troublante installation des artistes britanniques Jake&Dinos Chapman à la galerie DHC/ART, d'avril à août dernier. C'est Hitler qui rencontre Ronald McDonald. »