L'idée du Théâtre de l'Opsis était pourtant bonne. Écrire une pièce sur la vie et l'oeuvre de Carlo Goldoni (1707-1793) pour clore son «cycle italien» et la présenter au Théâtre Denise-Pelletier, devant entre autres un public adolescent. Une proposition qui cadre parfaitement avec la mission de cette dernière compagnie, qui fête ses 50 ans.

Malheureusement, le résultat est décevant. Et très convenu. On est loin de l'irrévérence et de l'audace de la production de l'Opsis d'Il Campiello, dirigée par Serge Denoncourt en octobre 2010.

Ici, tout est sage, propre et inoffensif comme dans une biographie prévisible. Dans le style des Grands Esprits, l'auteur Pierre Yves Lemieux raconte la vie de Goldoni par saynètes, sans linéarité, avec des allers-retours dans le temps. L'avant-scène est couverte de feuillets pour symboliser l'oeuvre prolifique de l'auteur italien, qui a écrit plus de 200 pièces. Le beau décor d'Olivier Landreville évoque Venise, la ville où est né Goldoni.

Sur scène, il y a un Goldoni vieux (Luc Bourgeois) et son double (Steve Gagnon, qui joue Goldoni à des âges différents). L'un est toujours dans l'ombre de l'autre, comme sa conscience. Quatre autres interprètes incarnent plusieurs personnages qui ont traversé la vie mouvementée de l'auteur: ses parents, ses maîtresses et courtisanes, ses protecteurs et ses ennemis, des directeurs et comédiens de théâtre, et un certain Antonio Vivaldi.

Commedia propose «un voyage imaginaire» pour nous exposer la magie et les revers de la création. Avec les succès et les échecs, les joies et les vertiges de la vie d'artiste. Mais la route est longue (deux heures et demie avec entracte) et offre peu de dépaysement.

Angle mort

Il y a trop de pistes et pas assez d'enjeux dans le texte de Pierre Yves Lemieux. Bien sûr, l'auteur a volontairement mis de côté la linéarité et la progression dramatique pour favoriser une forme éclatée. Son Goldoni affirme qu'au théâtre, «il faut briser les règles» et s'imposer uniquement les limites de la liberté créatrice. On est d'accord.

Le problème, c'est qu'il est difficile de s'identifier au personnage, tellement le récit va dans tous les sens, sans cerner un aspect, un trait du personnage pour nous intéresser à sa vie.

Lemieux aborde plusieurs questions esthétiques et politiques. Il nous montre que, déjà, le discours marchand sur l'art et la pression du succès à tout prix étaient présents à l'époque en Italie. (Une scène nous montre Goldoni qui décide d'écrire pour une saison 16 pièces en 16 semaines!) «La pression marchande pressure les artistes pour ensuite les jeter après usage», dit-il dans le programme, en écho à notre ère de vedettes instantanées.

Eh oui! On n'invente rien. Mais c'est en soi le sujet d'une pièce entière.

Il manque un angle, une vision à Commedia pour nous intéresser. Qui plus est, il y a des incohérences. Par exemple, Goldoni aimait les actrices et écrivait pour elles. Il lance souvent: «J'adore les actrices!» Or, sous la plume de Lemieux, les personnages des comédiennes sont tous faux, caractériels, égocentriques et caricaturaux... Désolant.

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Au Théâtre Denise-Pelletier jusqu'au 9 avril.