Après avoir abordé le thème des apparences dans Just Fake It, la compagnie Joe Jack et John s'intéresse à la colère dans AVALe. Une pièce qui met en scène une comédienne néerlandaise et deux comédiens souffrant d'un handicap.

Contrairement à ce que le titre pourrait laissait entendre, il n'y a rien de sexuel dans la pièce AVALe, nous dit d'emblée l'auteure et metteure en scène Catherine Bourgeois.

«AVALe, c'est tout ce qu'on subit, tout ce qu'on absorbe et qu'on gobe jour après jour, dit-elle. C'est le prologue de la colère. L'accumulation des éléments irritants de la vie qui nous amène un jour à péter une coche.»

Les éléments irritants de la vie prennent ici la forme d'une recherche d'emploi infructueuse ou d'une intégration sociale difficile. Il y a aussi les frustrations liées aux limitations physiques. Au système de santé qui ne répond pas aux besoins des patients ou aux problèmes financiers au quotidien.

«Une fois que le vase déborde, la colère n'est pas acceptée socialement, détaille Catherine Bourgeois. Je me suis demandé comment le public pouvait se projeter là-dedans. »

Après l'explosion de la colère, Catherine Bourgeois estimait qu'il y avait néanmoins un espace pour le changement. «La colère est une énergie forte, qui est mobilisatrice, qui est porteuse de changement et d'espoir.»

Mais après discussion avec Jean-François Nadeau, qui a participé à l'écriture du spectacle, l'auteure a opté pour une autre fin. «Le plus souvent, on retombe dans ses pantoufles et on explose de nouveau, regrette-t-elle. Il y a un cercle vicieux. C'est ça, la réalité. Ce n'est pas parce que je pète une coche que, six mois plus tard, tout se replace...»

Distribution mixte

Il s'agit du sixième spectacle de Joe Jack et John en 10 ans. Chaque fois, Catherine Bourgeois favorise les distributions mixtes.

«C'est le mandat de la compagnie. Celui de réunir des artistes qu'on n'a pas la chance de voir sur nos scènes. Il y a des acteurs qui souffrent d'une déficience intellectuelle, mais je fais aussi appel à des acteurs issus de l'immigration, comme Jackie [van de Geer]. Parce qu'il n'y a pas de place pour eux.»

Pour recruter ses acteurs, Catherine Bourgeois passe par l'école Les muses, qui forme des acteurs souffrant de trisomie ou de déficience intellectuelle.

Michael Nimbley, qui faisait partie de la distribution de Just Fake It et qu'on a vu dans le film Gabrielle - il était le coloc de Gabrielle -, souffre d'une déficience intellectuelle. Mais l'homme de 57 ans est un acteur professionnel.

«Pour Michael, c'est un travail professionnel, pas un passe-temps. Et je suis exigeante. C'est important d'atteindre un certain niveau pour ne pas porter l'étiquette "amateur", "art-thérapie" ou semi-professionnel. Pour briser ce préjugé-là. Donc, je les pousse.»

L'histoire

Michael est propriétaire d'une maison en décrépitude et en arrache financièrement, en plus d'avoir une santé fragile. Pendant toute la durée de la pièce, il tente de réparer son toit qui coule.

Il accueille chez lui une comédienne, qui lui loue une chambre. Cette comédienne (la Néerlandaise Jacqueline van de Geer) peine à trouver des rôles. Elle aussi est vulnérable.

«Ces deux personnages vont accumuler les frustrations jusqu'à ce que la colère explose», explique Catherine Bourgeois.

Un troisième personnage, métaphorique, incarnera cette colère. Il s'agit d'Anthony Dolbec, qui souffre d'autisme et qu'on a également vu dans Gabrielle (il chantait dans la chorale). Il représentera un tigre.

Catherine Bourgeois avoue que le chemin jusqu'à la scène est parfois cahoteux, mais ces interprètes «inhabituels» l'inspirent dans son travail.

«Au-delà de la rencontre humaine, je trouve qu'ils remettent en question nos normes sociales. Ils nous sortent de notre zone de confort. Sur le plan de leur diction, de leur présence scénique, de leur rythme, il y a quelque chose de non conventionnel qui est intéressant. Ils sont dans l'ici et maintenant.»

Aux Écuries du 11 au 29 mars.