Chaque été depuis un peu plus de 60 ans, La Roulotte se promène dans les parcs montréalais pour amener le théâtre dans les différents arrondissements de la ville. Cette année, c'est une adaptation moderne et originale du conte Hansel et Gretel qui est présentée pendant toute la saison chaude, dans un parc près de chez vous.

Étonnamment, le célèbre conte des frères Grimm n'avait encore jamais été monté par la Roulotte, qui, lors des 10 dernières années, a présenté entre autres Le magicien d'Oz, Peter Pan, Les aventures de Lagardère, Alice au pays des merveilles et Pinocchio.

«C'est vrai que c'est bizarre. D'habitude, il y a des cycles d'à peu près 10 ans», constate le metteur en scène, Charles Dauphinais. C'est après avoir vu et aimé la version du Magicien d'Oz présentée il y a trois ans que le jeune metteur en scène a offert ses services au responsable d'Accès Culture Montréal.

«J'ai tout de suite proposé Hansel et Gretel. Ce n'est pas un conte très difficile à adapter parce qu'il est très court et qu'il s'y passe beaucoup de choses. Il y a de l'action.»

Au-delà des «incontournables» - la maison de pain d'épice, les cailloux que les enfants sèment sur leur chemin -, il s'est inspiré avec Élisabeth Sirois de l'opéra d'Engelbert Humperdinck pour modifier la prémisse du conte que l'on connaît.

Ainsi, ce n'est plus une méchante belle-mère qui égare volontairement les enfants dans la forêt, mais une mère désespérée par l'état de pauvreté de la famille qui commet un geste irréparable, qu'elle regrette aussitôt. «Ça nous permet de construire l'histoire autour de la situation de pauvreté et de précarité de la famille», explique le metteur en scène.

À la sauce contemporaine

Mais pourquoi présenter ce conte à des enfants aujourd'hui? Pour Charles Dauphinais, il serait »impensable« de livrer l'histoire telle quelle. «Ce n'est plus dans le mandat de La Roulotte», croit-il. Surtout maintenant, alors que les jeunes jouent sur des tablettes électroniques et voient toutes sortes de films depuis leur tendre enfance.

«Il faut jeter un regard contemporain sur le conte», estime-t-il. Ainsi, sa sorcière devient une femme d'affaires cupide, et la maison de pain d'épice une usine de bonbons. «L'usine représente l'idéal de consommation rapide et abondante. C'est comme ça que le thème s'est développé, autour de la société de consommation, avec des clins d'oeil à la malbouffe...»

Mais la morale n'est pas au premier plan - «Nous la tournons même en dérision à la fin!» - et Charles Dauphinais a d'abord voulu créer un spectacle ludique et vivant. «J'avais envie de surprendre... surtout les parents!» C'est pourquoi la sorcière est une drag queen - «Je voulais de l'étrangeté...» - et que les références à l'actualité sont nombreuses - «Il fallait que ce soit chouette à écouter!»

Relancer l'action

Son défi a toutefois été le même que pour tous les metteurs en scène qui se sont frottés à La Roulotte. Le décor et la scénographie doivent habiter ce vaste espace réputé difficile à organiser et le récit doit être constamment relancé pour garder l'attention des enfants dans un environnement qui est tout sauf contrôlé...

«On est en compétition contre l'avion qui passe, le soleil qui tape, alors il faut toujours renouveler l'écoute. Dans la pièce, il y a des chansons, des marionnettes, des styles de jeu différents, le décor se transforme et propose des surprises. On ne sait jamais ce que sera la prochaine étape.»

L'idée principale est donc de faire avancer l'action. Et le succès de la pièce repose beaucoup sur l'implication et le niveau de jeu des acteurs, qui sont tous des finissants des écoles de théâtre. Les cinq jeunes comédiens, pour qui c'est le premier contrat professionnel, ont dû s'ajuster.

«Ce n'est pas facile pour eux. Il faut vraiment élargir le jeu. Et quand ont dit élargir, ça ne veut pas juste dire parler plus fort ou faire de plus grands gestes. C'est la précision de l'état: il faut aller au bout de la situation, jusqu'à l'extrême. S'ils n'ont pas peur comme des enfants, s'ils ne sont pas émerveillés comme des enfants, ça ne fonctionne pas. Il faut que ce soit total.»

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Jusqu'au 25 août. Pour connaître l'horaire détaillé: accesculture.com