Pièce sur la perception de la richesse et le pouvoir salvateur de l'art, Les mains dans la gravelle de Simon Boulerice reprend l'affiche à la Maison Théâtre. Comme toujours chez le jeune auteur, les personnages légèrement décalés doivent apprendre à vivre avec leur marginalité.

Créée il y a quatre ans, Les mains dans la gravelle s'intéresse à la vie de Fred-la-terreur-Gravel, 10 ans, telle que vue et racontée par le Fred de 30 ans, devenu artiste en arts visuels. Le petit Fred vit avec sa mère et joue seul dans sa cour de gravelle, où il s'invente tout un monde. En face de chez lui vit Agathe, qui semble bien riche à Fred parce que sa cour est asphaltée...

«Je voulais faire du théâtre pauvre pour parler de la pauvreté», explique le toujours fébrile Simon Boulerice, qui incarne tous les rôles de cette pièce qu'il a écrite et mise en scène avec Serge Marois, et où sont même intégrés des éléments de danse - gumboot et claquettes.

Dans ce spectacle, des boîtes de jus Oasis deviennent des oiseaux, la robe d'Agathe est faite de sacs de plastique, et le petit Fred transforme les cailloux en pierres précieuses en les recouvrant de peinture puis de vernis. «Ça ne coûte rien, faire du théâtre, parce que c'est l'art de l'évocation et de la suggestion. Tout est possible grâce au pouvoir de l'imaginaire.»

Boulimique et multitâche, l'auteur et comédien aime se promener entre les disciplines: il cumule les oeuvres théâtrales autant que les romans, côté adulte et côté jeunesse, toujours avec ce ton qui oscille entre le lyrisme et la naïveté. Normal qu'il s'intéresse aux jeunes: ses personnages sont souvent des adolescents qui peinent à trouver leur place dans le monde.

«Quand on est ado, on se perçoit souvent marginal, même quand ce n'est pas le cas. Et ce qui m'intéresse, ce sont les gens qui sont différents, mais qui essaient de se greffer dans la vie. Moi, je viens d'avoir 31ans et je ne sais toujours pas comment m'y prendre! C'est peut-être pour ça qu'on trouve mon ton naïf: ce décalage est intrinsèque, je ne fais pas exprès.»

L'adolescence, période où on «s'ouvre sur le désir, tous les désirs», l'émeut et le fascine. «Tout se bouscule à l'intérieur et on doit marcher comme un funambule pour garder l'équilibre, malgré les hormones.»

Contre-discours

C'est dans ses oeuvres jeunesse que Simon Boulerice se sent le plus utile. C'est là qu'il peut semer des graines dans les esprits, offrir un contre-discours, sur les arts, par exemple. «C'est important de les réhabiliter, surtout avec le discours ambiant. J'ai l'impression que je contribue davantage à la société quand j'écris pour les enfants, parce que je peux leur donner des clés qui les aideront à continuer dans la vie.»

En leur présentant un Fred à 30 ans, heureux, futur papa et qui vit de son art, Simon Boulerice dit en effet aux jeunes qu'à partir de leur différence, ils peuvent construire une vie à leur image, devenir adultes sans se dénaturer. «On peut faire avec ce qu'on est.» Et il fait sienne cette phrase de Van Gogh, qui est dite pendant le spectacle: «Trouve beau ce que tu peux.»

«Il ne faut pas se fier aux apparences et la beauté est partout, croit-il. Il s'agit quelquefois de seulement changer nos perceptions, d'ouvrir de nouveaux horizons.»

Simon Boulerice ne connaît pas la censure et croit qu'on peut tout dire aux jeunes. Il faut seulement «trouver comment». «Moi, je garde ma folie et je veux les surprendre. C'est ce que j'aime comme spectateur, être surpris.» Sa seule restriction: éviter le désabusement, qu'il fuit comme la peste.

«Je n'ai pas le droit de dire à un enfant que la vie est sombre et laide. Je veux préserver leur dignité, donner de la lumière en restant dans l'empathie. Je n'ai rien contre l'ironie, ça me fait rire! Mais les jeunes commencent dans la vie, ils savent déjà que c'est dur. Mon devoir est de leur dire qu'elle vaut la peine d'être vécue.»

> À la Maison Théâtre, du 17 avril au 2 mai. Pour les 7 à 12 ans.

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Simon Boulerice est un touche-à-tout qui, depuis sa sortie de l'option théâtre du cégep Lionel-Groulx en 2007, écrit, joue et publie à un rythme d'enfer. Voici un simple aperçu de son travail.

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