La bande du Théâtre de la Banquette arrière s'interroge sur notre devenir collectif depuis quelques années. Après avoir creusé la perte de sens dans Silence radio et la perte de perspective historique dans Les mutants, la troupe porte son regard vers l'avenir. Mathieu Gosselin, qui signe le texte de Province, en propose une vision apocalyptique et alambiquée.

Où et quand se situe la pièce? Sans doute dans un futur plus ou moins proche. Tout ça demeure bien flou. Mathieu Gosselin plonge en effet le spectateur dans un univers sombre qui se veut poétique, où les personnages sont réduits à des archétypes et l'action, à une suite de tableaux placés sous le parapluie d'une métaphore - celle d'une société à la dérive et déconnectée de ses racines, qui se projette volontiers dans des images (téléréalité, jeux vidéos, etc.).

Benoît Vermeulen a eu la lourde de tâche de donner un sens à tout ça. Sa mise en scène est évocatrice et il a su trouver un ton qui convient à cet univers étrange, qui fait penser à une fable d'horreur teintée de mysticisme. Il est même parvenu à créer une oeuvre d'une cohésion étonnante sur le plan du jeu, et ce, malgré les multiples ruptures de ton. Ce n'est pas rien.

Or, ce n'est pas suffisant. Écartelé entre cette métaphore globale de la nature qui cherche à reprendre ses droits sur le monde des humains et une société peuplée d'archétypes pathétiques que l'auteur juge lui-même d'emblée (ou semble mépriser, dans certains cas), le texte agace davantage qu'il ne convainc. Province s'égare dans une forêt de symboles et de jugements où la critique sociale et la tragédie se perdent aussi.

___________________________________________________________________________

Province, jusqu'au 12 mai à La Licorne.