Ah! la famille... Sainte ou maudite, on la peint, on la chante et on la représente sous toutes ses coutures. Or, mimer une famille, de sa naissance à son éclatement, avec justesse et dérision dans un spectacle sans paroles (ou presque), c'est assez rare. Et c'est le défi relevé avec brio par Omnibus dans Jabbarnack!, présentement à l'affiche d'Espace libre. Une solide proposition scénique conçue par Jean Asselin et Réal Bossé dans laquelle mime, danse et théâtre ne font qu'un pour raconter l'histoire comique et tragique d'une gang de «tu-seuls ensemble».

Cette famille étouffante et tricotée serré, on la voit au début de la pièce se construire sous nos yeux. De la rencontre des parents à la naissance des enfants (le tableau de l'accouchement des jumeaux est particulièrement réussi), jusqu'aux inévitables conflits, trahisons et cruautés à l'intérieur de la smala. Tout ça est illustré grâce au langage corporel et aux prouesses physiques des sept interprètes visiblement bien entraînés. Ceux-ci évoluent dans le décor épuré de Sophie Bourgeois: une sculpture abstraite qui occupe toute la scène, et dont les courbes rappellent les imposantes installations de l'artiste minimaliste Richard Serra.

La force du geste

Les acteurs sont précis, impressionnants et émouvants avec leur gestuelle riche en interprétations. Parmi eux, Sylvie Moreau qui revient à ses premières amours, puisqu'elle a étudié à l'École de mime d'Omnibus à la fin des années 80. Son bonheur physique et son abandon dans l'action sont perceptibles à chaque instant. Elle est entourée d'acteurs moins connus et tout aussi investis dans leur démarche artistique, dont le jeune Sacha Ouellette-Deguire et Anne Sabourin, tous deux d'une force physique remarquable (il y a vraisemblablement de la relève aux Denise Boulanger et Francine Alepin pour la compagnie Omnibus). Sabourin incarne l'un des jumeaux qui naît avec un handicap et qui sera rejetée par le paternel, personnage qui illustre le poème de Lewis Caroll qui a inspiré le titre du spectacle.

La mise en scène signée Jean Asselin et Réal Bossé est rythmée, synchrone. Si par moments, un symbole ou un message nous échappe, il faut se laisser aller à ses propres sensations et ne pas tenter de tout expliquer. La seconde partie du spectacle est plus bavarde. Des bribes de dialogues s'engagent entre les membres de la famille. Les mots viendront confirmer leurs petites lâchetés quotidiennes. Par exemple, l'un avouera faire semblant de dormir dans le métro afin de ne pas laisser sa place à une personne âgée. Un autre de se masturber sur l'internet quand sa blonde est couchée, ou encore de voler le chèque du gouvernement destiné à sa mère.

Comme l'affirment les créateurs dans le programme: «Sus aux bons sentiments! Foin de la bonne conscience!» Laissons parler le corps.

Jabbarnack!, jusqu'au 21 avril à Espace libre.