Un seul conseil durant cette étrange vigile, celle d'un homme au chevet de sa tante mourante: ne vous perdez pas dans des rêveries solitaires, vous risqueriez de manquer le seul et unique punch de la pièce, qui vaut son pesant d'or...

Mais avant d'en arriver là, la route est longue. Et le texte de l'auteur albertain Morris Panych, à cheval entre le drame et l'humour absurde, n'est souvent ni drôle ni poignant. En dépit de la très bonne traduction de Maryse Warda, Vigile (ou Le veilleur) est tellement caricatural qu'on peine à se projeter dans ces curieuses retrouvailles qui surviennent après une absence de 30 ans.

Éric Bernier et Kim Yaroshevskaya parviennent tout de même à donner à cette vigile du relief et de la couleur. Éric Bernier, dans le rôle de ce neveu homosexuel mal aimé et socialement mésadapté, porte la pièce sur ses épaules. Tantôt veilleur attentif, tantôt bourreau, il nous mène patiemment jusque dans la partie moelleuse du récit, où l'on ressent un peu la solitude de son personnage.

Quant à Kim Yaroshevskaya, qui a un rôle presque muet - elle n'a que quelques répliques dans le dernier tiers de la pièce - sa présence sur scène est toujours aussi remarquable. Sympathique et attachante, elle rend ses silences parfaitement audibles. Ses échanges avec ce neveu un peu névrosé, aussi invraisemblables soient-ils, se rendent bien jusqu'à nous. Son petit côté malicieux aussi.

Outre les jingles de mauvais goût qui ponctuent la pièce, la mise en scène de Martin Faucher est assez efficace dans la présentation de ces saynètes qui se succèdent, entrecoupées de black out qui plongent la salle dans l'obscurité. Autant de pauses qui nous permettent de digérer toutes les vacheries lancées par ce neveu à la recherche d'un peu d'amour. Le metteur en scène fait tout ce qu'il peut pour nous faire passer le temps... puisque cette vieille tante n'en finit plus de ne pas mourir.

La vérité, c'est que Vigile (ou Le veilleur) est une proposition beaucoup plus légère qu'elle ne le laisse croire. Il ne faut donc pas la considérer pour ce qu'elle n'est pas, c'est-à-dire un drame sur la solitude.

Le coup de grâce est porté au moment où l'on s'y attend le moins. Faisant oublier (légèrement) le peu d'intérêt de tous ces petits tableaux, même impertinents, même rigolos. À la fin, c'est Éric Bernier et Kim Yaroshevskaya qu'on applaudit, beaucoup plus que leurs personnages de Kemp et Grace, qui passeront bien vite à l'oubli.

Vigile (ou Le veilleur) au Rideau Vert jusqu'au 3 mars.