«Influencé par Beckett et Ionesco, George F. Walker est connu pour ses comédies noires au rythme rapide qui présentent une satire corrosive de l'égocentrisme, de l'avidité et de l'agressivité de la culture urbaine d'aujourd'hui», écrit L'Encyclopédie canadienne du théâtre. Son oeuvre lui a valu huit fois le prix Chalmers, cinq fois le prix Dora et deux fois le prix du Gouverneur général (catégorie théâtre)! Or voilà, ce dramaturge torontois est davantage joué au États-Unis et en Australie qu'au Canada; et pratiquement inconnu en sol québécois. Nul n'est prophète...

Pierre Bernard, du temps où il rayonnait au Quat'Sous (mais pourquoi donc cet homme à l'instinct théâtral rare, précieux, inestimable, n'a jamais été appelé, par la suite, à diriger un théâtre institutionnel?!), Bernard avait produit en 1999 trois pièces de Walker, du cycle Motel de passage qui en comprend six, et dont l'action se déroule dans la même chambre un peu délabrée d'un motel de l'East End de Toronto. VLB éditeur a publié en deux tomes la série Motel de passage, traduite par Maryse Warda. C'est son excellente traduction qu'on peut entendre à la salle intime du Prospero avec Les débuts de Loretta.

Jouer aux adultes

Belle initiative d'une nouvelle compagnie Til.T (trois spectacles au compteur) et du metteur en scène Sébastien Gauthier. Ce dernier dirige adroitement quatre jeunes acteurs doués et nous transmet avec justesse l'univers de Walker. Un monde de pimps, de manipulateurs, de danseuses et de losers. Des hommes et des femmes qui ressemblent à des enfants qui s'amusent à jouer aux adultes...

La pulpeuse Loretta (très bonne Isabelle Duchesneau) danse au Club des Grosses Boules (sic). Entre ses échecs amoureux et ses ennuis d'argent, elle rêve de faire un bon coup pour se sortir de cette chambre de motel et se payer un peu de luxe. Elle est courtisée par un vendeur de boulons, le fébrile et très collant Dave (énergique et convaincant Mickaël Lamoureux), et aussi par un réalisateur-gérant-agent qui évolue dans le cinéma porno (Christian E. Roy, plus vrai que nature). Celui-ci lui propose de tourner dans un film, l'assurant que son charme et son talent lui ouvriront les portes du marché international!

Comme l'action se déroule dans un motel, le trio est interrompu à l'occasion par une femme de ménage russe, étrange Sophie, toujours en décalage comme si son esprit était encore plongé dans les steppes. Il faut souligner ici le jeu exceptionnel de Joëlle Paré-Beaulieu qui porte sur ses épaules toute la douleur et le spleen d'une âme slave égarée.

Tout ça est propulsé par l'humour noir, satirique et grinçant de George F. Walker. Ce qui fait de cette production en marge, modeste (le décor bric-à-brac donne une bonne idée des moyens) un très bon moment de théâtre de proximité et de vérité.

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Les débuts de Loretta de George F. Walker.

Au Prospero (salle intime), jusqu'au 4 février.

Durée 90 minutes.