Le roman Elling de l'auteur norvégien Ingvar Ambjornsen a eu un énorme succès lors de sa parution. Pareil pour le film réalisé par Petter Naess, en nomination aux Oscars (en 2002). Et l'adaptation pour la scène londonienne a semble-t-il été applaudie par la critique...

C'est dire à quel point les attentes étaient grandes pour la proposition de la metteure en scène Monique Duceppe, qui prenait ainsi un risque à la fois très grand et très petit...

Deux hommes d'une quarantaine d'années partagent leur quotidien dans un hôpital psychiatrique. Un jour de grande bise, le gouvernement norvégien décide de les «relâcher» afin de les réintégrer dans la société. Enfin, pour voir s'ils en sont capables. On leur paie un appartement en ville et on les observe.

Elling est un «fils à maman», avec un intérêt marqué pour la poésie. Son ami Kjell Bjarne est un «simple d'esprit», puceau de surcroît, obsédé par le sexe. Toute la pièce repose sur la performance de ces drôles de moineaux, débiles légers, interprétés avec beaucoup de générosité par Guy Jodoin et Stéphane Bellavance.

Mais en dépit de la qualité de leur interprétation, la pièce d'Axel Hellstenius et Petter Naess, qui s'étire pendant plus de deux heures et demie (incluant un entracte), manque de souffle, de rythme et de cohérence. De plus, le récit réaliste des deux hommes se heurte à l'invraisemblance des situations. Comme cette subite rencontre amoureuse entre Kjell Bjarne et sa voisine.

Le rôle du travailleur social menaçant, interprété par Gabriel Sabourin, est également hyper caricatural, comme pour justifier la paranoïa d'Elling, qui voudrait bien s'en «débarrasser». Aucune empathie, aucune sensibilité, vous en connaissez beaucoup des travailleurs sociaux aussi peu affables?

Et puis, à force de vouloir représenter les nombreux lieux décrits par les auteurs (l'asile et l'appartement, mais aussi une gare, un resto, un bar, un autre appartement, etc.) la metteure en scène laisse des trous béants derrière elle. Et la «magie» du théâtre n'est pas suffisante pour pallier ces incongruités. Comme cette cloison invisible entre la cuisine et les chambres, dont on ne tient pas toujours compte...

Il y a bien quelques scènes touchantes, comme lorsque les deux personnages s'offrent leur premier cadeau de Noël, ou alors assez cocasses, lorsque Kjell Bjarne vit sa première relation sexuelle, mais le cheminement des deux hommes est cahoteux; on peine à suivre leur progression et on finit par se lasser des écueils qu'ils rencontrent.

Dans les rôles secondaires, Mireille Deyglun se défend assez bien dans ses multiples rôles de l'infirmière, de la voisine, de la serveuse et de la poétesse, mais Donald Pilon paraît mal à l'aise sur scène, déclamant ses répliques comme pour être sûr qu'on l'entende bien dans la grande salle du Théâtre Jean-Duceppe.

Présentée comme une comédie, Elling fait parfois sourire, mais manque de ressort et d'action. Oui, les personnages sont attachants, mais le dénouement est archi prévisible. Difficile dans ce contexte de ne pas décrocher de cette «réinsertion» programmée à l'avance.

Elling, au Théâtre Jean-Duceppe jusqu'au 26 mars.