En 2010, plusieurs nouveaux talents ont surgi dans toutes les disciplines. Notre série Nouveaux visages vous présente neuf de ces artistes qui devraient faire parler d'eux en 2011. Voici David Paquet, le troisième portrait de cette série.

Personne n'a prêté attention à 2h14 AM/FM, présenté en janvier 2010 à la Maison Théâtre. Son auteur, David Paquet, n'allait toutefois pas rester dans l'ombre encore bien longtemps. Il a été révélé quelques semaines plus tard grâce à Porc-épic, pièce montée à Espace Go qui lui a valu deux prestigieux prix d'écriture dramatique cet automne.

Porc-épic se déroule le jour de l'anniversaire de Cassandre, fille esseulée qui répète «Bonne fête qui? Bonne fête moi!» comme s'il s'agissait d'une formule capable de conjurer sa solitude. Mais ce qu'il y avait à célébrer dans cette comédie à la fois grinçante et fantaisiste créée en février par le PàP, dans une mise en scène colorée de Patrice Dubois, c'est abord la plume alerte et mûre de David Paquet.

Avec des outils empruntés aux surréalistes et un sens de l'humour pétillant, le jeune auteur creuse d'une manière très habile le mouvement hésitant dans lequel les êtres humains tendent à se rapprocher, à vouloir s'aimer, à se blesser, à se replier et à recommencer. Le titre de sa pièce est d'ailleurs inspiré d'une allégorie de Schopenhauer illustrant ces avancées et reculs: quand ils ont froid, les porcs-épics se rapprochent pour se réchauffer, mais se piquent. Alors ils s'éloignent, puis recommencent au prochain frisson.

«J'écris vraiment parce que j'aime les humains, affirme le jeune dramaturge. J'ai à coeur de donner à regarder dans l'espoir que, si on se regarde vivre sur scène, il y a des chances qu'on se reconnaisse. Et si on se voit, semblables et imparfaits comme nous le sommes, on risque de gagner en compassion et en solidarité.»

L'aventure de Porc-épic, que David Paquet a écrite il y a quatre ans alors qu'il terminait sa formation en écriture dramatique à l'École nationale de théâtre, aura finalement été triplement couronnée. Fort bien accueillie au moment de sa création à Espace Go, la pièce lui a aussi valu deux prestigieux prix d'écriture au cours des dernières semaines: le prix du Gouverneur général (catégorie théâtre) et le prix Michel-Tremblay (ex aequo avec Jennifer Tremblay).

Ce doublé inespéré réjouit le jeune auteur, bien entendu. Il se sent d'autant plus honoré que, sur le jury du prix Michel-Tremblay ont siégé deux dramaturges qu'il suit assidûment et dont la prise de parole l'inspire: Carole Fréchette et Olivier Choinière. «En trois semaines, j'ai fait plus d'argent que dans les trois dernières années», ajoute David Paquet, qui a touché 45 000$ grâce à ces deux bourses. «Cet argent est synonyme de possibilité et de liberté, reconnaît-il. En ce sens, c'est fondamental.»

Partir pour écrire

Le désir d'écrire pour le théâtre tenaille David Paquet depuis longtemps, mais il n'y est arrivé qu'après maints détours. Il a suivi des ateliers d'écriture, a passé une année à étudier la sexologie à l'université («la sexologie avait le mérite de traiter de l'humain de façon très multidisciplinaire», a-t-il expliqué à la veille de la création de Porc-épic), pour enfin aboutir à l'École nationale de théâtre, où il a obtenu son diplôme en 2007. Après? Il a été... fonctionnaire.

«J'ai adoré ça, d'ailleurs», dit le dramaturge de 32 ans. Une année durant, il a donc exercé un métier des plus communs: employé de bureau dans une succursale de Revenu Québec au Complexe Desjardins. «Ça m'a permis de digérer mon passage à l'École nationale», fait-il valoir, en soulignant qu'un créateur ne peut pas simplement faire des oeuvres; il doit aussi se ressourcer, se nourrir. Simple question d'équilibre.

Pour David Paquet, l'année 2010 a été marquée par des collaborations et des commandes. Il a fait de la traduction, écrit des textes radiophoniques, fait de l'encadrement dramaturgique et participé à un stage portant sur le théâtre pour la petite enfance. Il envisage avec bonheur la possibilité qui lui est désormais offerte de retourner à ses propres projets. «Là, je m'en vais et j'écris, lance-t-il, avec un sourire généreux. Je ne m'épanouis jamais autant que lorsque j'écris mes propres affaires.»

Le jeune dramaturge croit à la prise de parole. «Je veux faire un théâtre pertinent», affirme-t-il. Pour lui, écrire est d'abord un geste de communication et non pas une fuite dans l'imaginaire - une affirmation qui peut surprendre de la part d'un auteur tenté par le surréalisme. «Pour moi, le surréalisme, c'est une façon de souhaiter qu'on existe d'abord et avant tout dans une société de possibles et non de l'étouffement», dit-il.

En mai, David Paquet s'envolera pour la France et séjournera à La Rochelle pendant six semaines. Ensuite, il songe au Portugal, à Madrid. Il rêve aussi à l'Asie. Ou à l'Amérique du Sud. «J'ai envie d'écrire dans un contexte où rien ne m'est familier», explique l'auteur. Deux projets de pièces l'attendent dans ses cartons: l'une pour un jeune public, l'autre pour le grand public. «J'ai tellement fucking hâte! Je n'aurai aucune autre préoccupation que d'écrire une bonne pièce.»