Pascal Contamine, Christian Leblanc et Réal Bossé avaient beaucoup de mal à circonscrire Rêves, chimères et mascarade, l'an dernier, à la veille de sa création. Tout au plus s'entendaient-ils pour dire que ce spectacle conçu à trois, en collaboration avec les six comédiens, avait quelque chose du Chien andalou de Buñuel et Dali.

L'oeuvre n'est pas surréaliste pour autant. Ou si peu. Simplement, son architecture relève davantage de l'agencement intuitif que de la construction narrative déterminée par les règles de la causalité. En empruntant cette voie parallèle, ses maîtres d'oeuvre sont toutefois parvenus à inventer un univers éclaté, mais cohérent, et à évoquer le monde actuel d'une manière qui nous interpelle.

Six jeunes comédiens rompus au jeu physique et au mime multiplient les prouesses dans ce spectacle athlétique et chorégraphique. Ils campent de jeunes adultes confrontés à un monde pas très réjouissant: ses infrastructures de béton s'effondrent et, surtout, son tissu social s'effiloche. La collectivité semble ne plus exister, sinon qu'à travers l'image de zombies, et l'individu est d'un égocentrisme presque onaniste.

Le propos n'est pas nouveau, bien sûr, mais est articulé ici à l'aide d'images fortes et de corps à corps fluides et parfois frénétiques. Pris de spasmes, insensible, violenté, le corps en mouvement y est le miroir de l'esprit et de l'émotion. Souvent, les comédiens courent dans tous les sens, comme s'ils peinaient à trouver leur juste place dans le monde.

Ce jeu physique est, de plus, rehaussé par un humour parfois féroce. On a droit à un clin d'oeil à Michael Jackson, à une scène qui se moque du fantasme cliché qu'est la femme aux talons aiguilles rouges, ainsi qu'à un détournement bouffon - et joyeusement grivois - de certaines chansons de Passe-Partout. Un très comique pied de nez à la nostalgie dont semble atteinte une certaine jeunesse.

Il y a du gris, dans Rêves, chimères et mascarade. Du noir aussi. Mais il y a surtout de la vie. Elle point dans nos envies les plus humaines: aimer, être aimé, désirer, embrasser... Et aussi dans l'énergie folle déployée par Sabrina Connell-Caouette, Jennyfer Desbiens, Solo Fugère, Xavier Malo, Sacha Ouelette-Deguire et Anne Sabourin. Ils se donnent tout entiers comme pour nous dire que si la société actuelle a l'air d'une vaste mascarade, c'est peut-être le signe qu'il est urgent de la réinventer. Avec nos rêves et nos chimères.

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Jusqu'au 16 octobre à l'Espace libre.