L'affiche était attirante. D'autant plus que le directeur du Théâtre de Riga, Alvis Hermanis, avait séduit le public montréalais l'an dernier avec sa pièce sans dialogues The Sound of Silence.

Avec Sonia, le metteur en scène letton avait en main un texte prometteur, écrit par l'une des auteures russes les plus en vue, Tatiana Tolstaia, accessoirement descendante de la famille de Leon Tolstoi.

Malgré l'esthétique privilégiée par Hermanis, porteuse d'une certaine beauté, et bien que ce théâtre non verbal puisse par moments être assez touchant, le portrait d'ensemble est décevant et la plupart du temps les procédés déployés sur scène tournent à vide.

Le personnage de Sonia, qu'on pourrait qualifier de «simple d'esprit», se distingue par sa laideur. La jeune femme se fait jouer un vilain tour par des membres de son entourage, qui lui écrivent une lettre d'amour fictive, provenant d'un admirateur tout aussi fictif.

On le devine, la pauvre Sonia mord à l'hameçon et se lance corps et âme dans ces échanges épistolaires totalement faux. Tout est là.

La meneuse du canular, une dénommée Ada, qu'on devine remplie de haine, fera durer le coup pendant plusieurs années, jusqu'à ce que la Deuxième Guerre mondiale mette fin à ce jeu cruel, qui aura permis à cette Sonia de vivre les plus beaux moments de sa vie.

Alvis Hermanis a choisi de faire taire son anti-héroïne. Rôle muet, donc, pour Sonia, interprété par un homme corpulent, Gundars Abolins, qui s'anime telle une immense marionnette au rythme d'une narration minimaliste faite en russe par le comédien Jevgenijs Isajevs.

L'action est lente, les gestes économes. Les situations qui y sont décrites sont à la fois drôles et tristes, un peu à l'image du théâtre russe. On dirait du Benny Hill au ralenti. En beaucoup moins comique.

Mince consolation: le décor réaliste de l'appartement de Sonia est très évocateur et nous projette habilement dans le Léningrad des années 40. On sent bien toute la recherche effectuée en ce sens par le metteur en scène et la scénographe.

Mais le défi du rôle muet de Sonia était bien sûr d'explorer et de communiquer toutes ces émotions qui traversent cette femme seule et vulnérable, sans doute consciente de sa mocheté, qui n'attend rien de la vie.

Le défi était d'autant plus grand que cette nouvelle repose en grande partie sur le contenu des lettres. Or l'interprétation de Gundars Abolins m'a semblé beaucoup trop mécanique, à la limite désincarnée.

On comprend le créateur letton d'avoir voulu lui donner des airs de marionnette ou de poupée géante manipulée de toutes parts, mais ses mouvements, qui relèvent beaucoup de la pantomime, parviennent difficilement à nous émouvoir.

Surtout, ils ne vont pas beaucoup plus loin que ce que suggère la narration. Dommage.

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Sonia. À la Maison Théâtre ce soir. En russe avec surtitres en français et en anglais.