Patrice Dubois et Martin Labrecque, les créateurs derrière Everybody's Welles pour tous, proposent leur deuxième création, La Grande machinerie du monde. Cinq ans après son habile conférence-théâtre, le tandem insiste sur un point: son envie de véritablement raconter une histoire.

L'aventure de Welles a été fructueuse (deux Masques en 2005, dont celui de Production Montréal), mais elle est terminée pour le concepteur d'éclairages Martin Labrecque et l'auteur, comédien et metteur en scène Patrice Dubois. La version «retravaillée» présentée l'hiver dernier à l'Espace Go a aussi été qualifiée de «définitive».

 

Se défaire de l'emprise d'une telle personnalité ne semble toutefois pas facile. Patrice Dubois affirme d'emblée que La Grande machinerie du monde «émane de Welles». C'est-à-dire que ce spectacle est notamment traversé par des thèmes - l'humanisme et la Renaissance - déjà présents dans leur production précédente. «On a mis ça de côté quand est apparue la petite histoire», précise toutefois le codirecteur du Théâtre PÀP.

De cette «petite histoire», on ne connaît que le point de départ: en 2009, Richard (Stéphane Franche) tombe sur des projections du portrait de son ami Christian (Alexandre Goyette) dans une galerie d'art contemporain. Le choc est d'autant plus grand que l'ami en question est mort il y a plus de 10 ans dans des circonstances étranges. S'ensuit une quête de vérité qui remuera le passé, dont une histoire d'amour de Christian amorcée en 1989 alors que le mur de Berlin tombait.

La petite histoire est contenue dans la grande, bien sûr. Mais ce qui a incité Patrice Dubois à s'y accrocher, c'est qu'il a constaté que la petite histoire peut parfois masquer la grande. «Comment ça se fait que je n'ai pas vu ça passer? Où est-ce que j'étais quand tout ça se produisait?» s'est demandé le metteur en scène, admettant que l'anecdote du coup de foudre au temps de la chute du mur de Berlin lui est personnelle.

Du coup, c'est tout un questionnement sur «l'éveil que permet le temps» qui s'est imposé, sur la maturité aussi. «On a réussi à incarner tout ça dans des personnages, je pense, parce que juste la théorie, ce n'est pas intéressant. Le spectacle n'est pas une démonstration de ce qu'on a appris», assure-t-il.

Ne serait-ce qu'en raison de son titre, La Grande machinerie du monde donne à penser que cette histoire sera empreinte de mystère, que quelqu'un complote quelque part. Martin Labrecque et Patrice Dubois n'en diront pas plus, se contentant de réaffirmer leur envie de raconter, de tisser un lien fort avec le spectateur. «Le rendez-vous théâtral, le fait d'être là, participe aussi de la machination», dit le metteur en scène.

Quête de beauté

Même s'il repose sur un texte dialogué, dans un style hachuré évoquant ces phrases que l'on commence et qu'on ne finit jamais, La Grande machinerie du monde ne repose pas sur un travail d'écriture dramatique à proprement parler. Patrice Dubois n'est pas du genre à s'éterniser sur sa table de travail. Avec Martin Labrecque, il a développé une méthode de création dans l'action. Une «écriture scénique» qui, très tôt dans le processus, demande l'apport des éclairages, de la scénographie et bien sûr des comédiens.

«On a tendance à trop s'asseoir et à réfléchir beaucoup au théâtre, juge-t-il. On a beaucoup à apprendre d'autres arts comme la musique et la danse qui sont toujours dans l'essai, dans la tentative.» Martin Labrecque et lui estiment que ce mode de fonctionnement, qui implique forcément des coupures, leur permet de donner de la profondeur à leurs spectacles. «On a pu synthétiser la vie de Welles en une heure et vingt, parce qu'on avait tout ce bagage derrière nous», estime l'éclairagiste.

De ce passage en atelier a émergé une structure en tableaux. La Grande machinerie du monde se présentera comme une espèce de mosaïque de moments présents dont l'assemblage crée la grande histoire. Un peu comme ces portraits faits de nombreuses petites vignettes qu'on ne peut appréhender dans leur globalité qu'en reculant de quelques pas. «Comme quand on entre dans une pièce et qu'on l'éclaire morceau par morceau. Tranquillement, on découvre dans quelle pièce on se trouve», propose Patrice Dubois.

Une mort inexpliquée et un mystère sous-jacent ne contribueront pas à faire pencher la balancier vers la noirceur. Ses créateurs parlent plutôt d'une «quête de la beauté». «On voulait qu'il y ait quelque chose de beau dans ce show-là. Il n'y a pas l'ironie ou le sarcasme qu'on pouvait avoir il y a 10 ans. Je n'ai pas le goût de monter sur une scène pour dire ça, tranche Patrice Dubois. Je ne pense pas que ce soit noir. Ça raconte la vie.»

 

ENTRÉE EN SCÈNE

>DOUBT au Centaur, du 24 février au 29 mars.

> LA GRANDE MACHINERIE DU MONDE au Théâtre Espace Go, du 24 février au 21 mars.

> LES POINTS TOURNANTS au Théâtre La Licorne, du 24 février au 28mars.

> TSHEPANG au Théâtre La Chapelle, du 24 février au 7 mars.

> UNCLE VANIA à la Salle Lugder-Duvernay du Monument-National, du 24 au 28 février.