Johanne Boucher a passé plus de trois ans en prison «pour avoir cultivé du pot». C'est là qu'elle a eu l'inspiration pour créer son personnage de Thérèse.

«J'observais les autres détenues, je les entendais parler au téléphone avec leur mari, leur chum. Ces appels, souvent émotifs, étaient sans doute très frustrants pour elles. Parfois, elles criaient, tapaient le récepteur sur la tablette du téléphone. Ces femmes devenaient alors de vraies caricatures.»

Johanne a aussi tenu avec une codétenue un journal quotidien dans lequel elles décrivaient ce qu'elles vivaient tout en prenant soin d'inclure une pensée positive. Cette femme créative a même écrit un dictionnaire du vocabulaire utilisé en prison par les détenues et le personnel! Mais c'est Thérèse, une femme qu'elle décrit affectueusement comme «innocente», qui l'a aidée à se refaire une place dans la société.

Après l'avoir créé en prison, Johanne a été invitée à présenter son numéro au Cabaret de la seconde chance, un spectacle réunissant notamment des personnes de talent ayant eu des démêlés avec la justice, puis récemment au Bordel Comédie Club.

«Elle [Thérèse] n'est pas très scolarisée, un peu innocente, sans aucun passé criminel, mais un peu laxiste du côté des valeurs. C'est aussi un peu mon histoire, l'appât du gain, on ferme les yeux, on ne veut pas voir...»

Dans le numéro, c'est la difficulté à «joindre les deux bouts» qui a amené Thérèse à accepter d'entretenir la culture de marijuana de son fils. Au téléphone avec son amie Georgette, elle compare avec dérision la vie en prison à celle en CHSLD: «Y'avaient pensé à toute. La toilette était juste à côté du lit. C'est pratique. À mon âge, on peut se casser une hanche! [...] Ils voulaient notre bien-être. T'aurais dû voir la sécurité là. Toute était barré. Je m'suis jamais sentie aussi en sécurité que ça!»

Le personnage de Thérèse évoque aussi les difficultés pour les ex-détenues à trouver un emploi. Une réalité vécue par Johanne Boucher: «En sortant de transition, bien que j'avais 45 ans d'expérience de serveuse, puis comme gérante, et que j'avais aussi été à l'Université de Sherbrooke en gestion hôtelière, je ne trouvais pas d'emploi. Même si ce n'est pas un métier facile, il faut quand même pas des lettres d'or pour l'exercer. Mais j'ai appris en sortant de prison que tous les commerces franchisés ont accès à notre casier judiciaire. J'avais vite trouvé un emploi dans une épicerie à grande surface, mais après trois jours, ils m'ont mise à la porte.»

Après une succession de petits boulots mal payés, une employeuse a finalement donné une chance à Johanne en restauration et elle y travaille encore aujourd'hui.

L'art pour reprendre confiance en soi

Les femmes sont souvent mal outillées pour intégrer le marché du travail après leur sortie de prison. Sylvie Lanthier s'est toutefois découvert des atouts qu'elle ne soupçonnait pas en participant au programme Compétences fortes de la Société Elizabeth Fry du Québec. Avec cinq autres ex-détenues, elle a créé une oeuvre en hommage à une bénévole rencontrée en milieu carcéral. Épaulées par des artistes professionnels du collectif Art Entr'Elles, les participantes ont acquis des compétences diverses en scénarisation, prise de son, vidéo, etc. «J'ai travaillé sur ce projet avec des femmes que j'ai appris à connaître et à apprécier. Certaines avaient purgé une sentence à vie. J'ai compris toute l'importance d'observer les personnes, de tenter d'analyser les situations avant de juger.» Dans l'oeuvre intitulée Dénombrement, chacune des participantes a inséré un symbole ou un objet qui l'a aidée à passer le temps en prison. L'exposition, présentée actuellement au Musée de la culture populaire du Québec, à Trois-Rivières, a permis à Sylvie et aux autres participantes de retrouver une certaine confiance en elles, mais aussi lentement envers les autres.