Montréal 1972, comme si c'était arrivé, c'est le spectacle de Martin Fontaine, personnificateur du King, avec 14 musiciens et un choeur gospel. En prétendant qu'Elvis Presley est venu à Montréal, le chanteur dit l'interpréter avec un plaisir renouvelé. Entrevue avec l'homme derrière les costumes à paillettes.

Comme le sujet est d'actualité, selon vous, est-ce qu'Elvis Presley faisait de l'appropriation culturelle avec la musique noire américaine?

Il s'est inspiré du blues, du gospel et du soul. Je pense qu'Elvis est l'un des premiers à avoir touché au répertoire de la musique noire américaine et à la propulser vers un plus large public. Dans les années 50, c'était interdit, on la nommait «race music». Il admirait Little Richard et Fats Domino, mais en même temps, peut-être que certains d'entre eux ne recevaient pas la reconnaissance qu'ils auraient dû recevoir. Peut-être aussi qu'on n'aurait jamais connu Little Richard si Elvis ou les Beatles ne l'avaient pas repris. Moi, je pense surtout que la musique n'a pas de couleur. Ce sont des vibrations et des sons qui résonnent à nos coeurs et à nos âmes.

Dans votre nouveau spectacle, vous faites comme si Elvis était venu à Montréal.

En 1957, lors de sa première tournée à l'extérieur des États-Unis, Elvis devait venir à Montréal. Les autorités ont refusé parce qu'ils avaient peur d'une émeute. Il est allé à Ottawa, Toronto et Vancouver, mais il n'est jamais venu à Montréal après ça. Les Québécois ont peut-être acheté plus de disques d'Elvis pour cette raison.

En 1972, avait-il commencé son déclin?

Non, je crois qu'il était à son apogée, plus populaire que jamais. Il a fait des centaines de spectacles à Vegas et aux États-Unis. Il pouvait puiser dans son répertoire, très large, et il avait toujours avec lui un grand orchestre de cuivres et un choeur gospel mixte, comme nous, d'ailleurs. C'était un vrai show rock. On a inventé une uchronie. On a créé une histoire à partir de ce qu'on sait de cette époque. On a imaginé qu'il jouait des chansons jamais entendues ou qu'il racontait des blagues à propos de Montréal, du maire Drapeau et des hot dogs de la Main. J'ajoute une couche à son personnage. On joue avec la légende. Si Trump a été élu président, Elvis aurait pu l'être aussi avec sa popularité. Je pense que je vais écrire un scénario de film [rires].

Qu'est-il arrivé à Las Vegas avec le spectacle que vous avez créé et qui devait durer des années?

On a fait notre mandat d'un mois et demi. Après, on le refaisait à Québec pour une autre saison. C'était Elvis Presley Entreprise qui nous produisait là-bas. Les producteurs ne se sont pas entendus avec l'hôtel et n'ont pas fait la publicité qu'il fallait. On avait tous les éléments pour que ça fonctionne, on était appuyés par Priscilla Presley, mais les partenaires ne se sont pas entendus. L'hôtel voulait négocier avec nous directement, mais on ne voulait pas se mettre à dos Elvis Entreprise. Il n'est pas impossible qu'on y retourne. Des gens y travaillent.

Et il y a une vie après Elvis?

J'ouvre un cabaret à Trois-Rivières dès le 13 septembre. J'ai repris un ancien théâtre de la magnifique rue des Forges au centre-ville. C'est une salle de près de 200 places. Ça s'appelle le Memphis Cabaret, l'âme de la musique de l'Amérique. Tout ce qu'on va y présenter sera du blues, de la soul, du country, du rock avec des productions exclusives que je vais signer. J'inviterai d'autres artistes à y jouer aussi. 

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Elvis Experience, Montréal 1972, comme si c'était arrivé est présenté au Cabaret du Casino de Montréal le 12 juillet.

Photo Jeannot Lévesque, archives Le Quotidien

Le chanteur Martin Fontaine sans les costumes habituels du King