Au dernier Gala Les Olivier, Mario Jean a présidé l'assemblée en se glissant dans la peau du père de la famille humoristique québécoise. Devant un parterre bien garni de comiques plus jeunes, souvent portés sur l'irrévérence - Sugar Sammy en tête -, le rôle du patriarche lui allait plutôt bien.

Après deux ans d'absence sur les planches, le vétéran s'apprête à replonger dans la mêlée avec un cinquième spectacle solo. Moi, Mario sera présenté à Laval, en février, puis à Brossard et à Montréal, en avril.

Discussion avec un comique d'expérience, qui trouve matière à rigolade dans l'ordinaire.

Q: Vous en êtes à votre cinquième spectacle solo. Comment vous sentez-vous, quelques semaines avant de prendre la route?

R: C'est de plus en plus stressant. Il y en a beaucoup [des humoristes], on se demande comment on peut continuer et prendre sa place, qui n'est jamais acquise. Lancer un spectacle, c'est toujours énervant. Mais une fois qu'on a trouvé ce qu'on a à dire et comment le dire, qu'on rode et qu'on entend les rires, qu'on voit que les effets fonctionnent, c'est rassurant.

Q: En voyant votre titre, difficile de ne pas penser au bouquin Moi, Christiane F.: 13 ans, droguée, prostituée... C'est un hasard ou une référence directe?

R: Ce livre m'a marqué. Oui, il y a un clin d'oeil à ça. Mais j'ai aussi choisi ce titre pour parler de la manière dont je me démarque. Dans l'univers des humoristes, tout le monde veut se démarquer, tout le monde veut faire un stunt pour affirmer sa couleur: être le plus baveux, le plus beau, le plus chien, le plus trash... J'ai décidé d'être le plus moi possible. Ma référence reste toujours que je suis comme tout le monde. Même si je suis un humoriste, que je vis dans le show-business, ma vie est comme celle de tout le monde. Je vais jouer au hockey avec mes chums, je fais mon épicerie... Ce que je vis va sûrement toucher mon public. Ç'a toujours été ma préoccupation première, que les spectateurs se sentent concernés. J'aime les rires, mais j'aime aussi les coups de coude que les gens se donnent en disant: «Je te l'avais dit.»

Q: Vous réussissez à trouver de l'originalité dans la vie de monsieur Tout-le-Monde?

R: J'ai toujours considéré que c'est mon job d'humoriste de servir de miroir. Je pense que toute la matière est déjà là. Notre rôle, c'est de trouver les petits points et de les surligner. Je parle de trucs qu'on ne doit pas dire, je parle du temps qui passe, des enfants, de la carrière, de la mort. Je fais un numéro sur l'entracte, je parle des tabous... J'ai choisi cet angle pour parler de couple. J'aime parler de ça. À mon avis, réussir son couple, c'est la chose la plus difficile dans la vie. On dit souvent que les humoristes en parlent trop, mais quand on regarde le nombre de chansons d'amour qui ont été écrites... C'est un sujet qui est important pour tout le monde.

Q: Aurons-nous des nouvelles du camelot Ti-Guy Beaudoin, de votre mascotte frustrée ou d'autres personnages dans ce nouveau spectacle?

R: J'ai voulu, mais c'était un peu maladroit. Ça ne s'insère pas très bien dans le show. Mais j'ai laissé une porte ouverte à l'humeur du moment. Et c'est par là qu'un personnage va pouvoir entrer.

Q: Donc, si un sujet d'actualité vous inspire, vous aurez un camelot sous la main...

R: Un camelot ou une mascotte. Il y a un personnage que les gens aimaient beaucoup, celui de Mo Simonac. On me demande parfois de le refaire. Mais avec la mort de Marc Simoneau, c'est fini. Ce costume-là est maintenant dans mon musée personnel.

Retour sur un maquillage controversé

Quelques jours après le dernier Gala Les Olivier, Mario Jean a été plongé dans une certaine controverse après que son imitation du collègue Boucar Diouf eut été taxée de raciste par une blogueuse du Huffington Post. 

Dans un billet mis en ligne le 16 mai, Nydia Dauphin dénonçait le maquillage arboré par Jean dans un sketch, l'assimilant à la triste tradition du blackface, ces caricatures dénigrantes de personnes noires, populaires au XIXe siècle. 

Les réseaux sociaux se sont enflammés et Mario Jean avoue avoir été pris de court. 

«J'ai refusé les demandes d'entrevue, et des demandes, j'en ai eu jusqu'à Calgary, révèle-t-il. Je ne savais pas comment commenter ça. Je ne comprenais pas comment un geste aussi inclusif ait pu paraître raciste. C'était un numéro sur la famille des humoristes, sur le fait que tout le monde fait partie de la famille. On me disait que je ne savais pas c'est quoi le blackface, que je devais m'informer. Je sais ce que c'est, je ne suis pas un cave. Ce n'est pas parce que tu as la face noire que c'est un blackface.»

Quand est venu le temps d'aborder le thème des tabous pour son nouveau spectacle, l'expérience lui est revenue en tête. «C'est sûr que ç'a nourri ma réflexion, mais je n'en parle pas directement», laisse-t-il tomber.

PHOTO FOURNIE PAR ANNE GAUTHIER

Mario Jean a soulevé une certaine controverse lors du dernier Gala Les Olivier.