Guillaume Wagner promet d'être Cinglant jeudi au Théâtre St-Denis. Le titre de son premier spectacle reflète un humour engagé et ravageur qui ne laisse personne indifférent.

Il aime parler de nous, en nous mettant en pleine face nos traits de caractère. Comme il l'a fait dimanche dernier à Tout le monde en parle. Pas pour faire de la peine, mais pour nous rendre meilleurs, dit-il. Ce nous, il lui règle son compte.

Il est ainsi, Guillaume Wagner. Toujours indigné. Épris de vérité. La sienne, notamment. Mais jamais cynique.

Dans Cinglant, il nous montre un miroir, souhaitant qu'on s'y reconnaisse avec assez de lucidité pour apprécier une séance de psychologie de groupe. «C'est dur de refuser un miroir, dit-il. Quand tu le fais, c'est que tu n'es vraiment pas bien dans ta peau. Je ne fais que donner mon point de vue sur la société.»

Dans ce premier spectacle, Wagner évoque la misogynie, l'individualisme, l'homophobie, nos croyances et rituels collectifs, la superficialité de la télévision, l'indépendance du Québec et les relations homme-femme.

«Quand je parle de couple, je parle de choses que les gens n'aiment pas trop qu'on révèle. En humour, il faut surprendre les gens. Avec mon style, je joue dans des zones un peu dangereuses.»

Cinglant comporte donc son lot de critiques avec quelques name dropping. Guillaume Wagner, qui aura 29 ans demain, n'a pas peur de grand-chose, même pas de vieillir. «Être plus vieux me donne de la crédibilité.»

L'humoriste natif de Québec a fait ses premiers pas en humour à la fin des années 2000, à l'école secondaire de Charlesbourg. C'est en écoutant une cassette d'Eddie Murphy qu'il a eu la piqûre. Du coup, direction Montréal et inscription à l'École de l'humour dont il est sorti en 2006.

Grinçant

Les premières années, il avait un côté grand public et un côté grinçant. Finalement, c'est le côté grinçant qui lui a valu les trois prix les plus prestigieux décernés à la relève: le Nez d'or du Grand Rire de Québec, l'Olivier Découverte et le prix Révélation du festival Juste pour rire.

«Je fais juste grincer les dents, même si ce n'est pas voulu, dit-il. J'ai remarqué que quand je donne mon opinion sincèrement, ça choque des gens qui préféreraient que je m'abstienne. Ce n'est vraiment pas une tradition [au Québec] de s'obstiner. Moi, j'aime beaucoup ça.»

Lecteur de philosophie, il ajoute que c'est pour le goût de débattre des idées qu'il aime la France. «Quand je vais en France, les gens d'ici me disent: «Ah! c'est beau Paris, mais les Français sont chiants!» Moi, je ne le remarque pas, je suis comme ça. Avoir un rapport musclé avec quelqu'un, je trouve ça le fun. Ici, on trouve ça un peu plus personnel.»

D'où la controverse à Québec parce qu'il osé dire à Guy A. Lepage que les gens de Québec ont un complexe d'infériorité par rapport à Montréal. Guillaume Wagner ne se prive pas de dire ce qu'il pense.

«Les Québécois ont beaucoup d'opinions différentes, mais ne les expriment pas. On aime l'hypocrisie. Je ne joue pas à cette game-là. Je suis pour l'échange et l'expression.»

Engagé, Wagner s'est rangé du côté des étudiants le printemps dernier. Son soutien à Jean-Martin Aussant, aux dernières élections, était clair sur son site Facebook. D'ailleurs, l'humoriste est très populaire sur Facebook. Il avait 10 000 amis en mars dernier, près de 26 000 aujourd'hui. Il les nourrit de vidéos, de gags et d'opinions en permanence.

Avant même sa première au St-Denis, qui affiche complet, des supplémentaires sont annoncées dans plusieurs villes du Québec. Sa participation à Un gars le soir sur V, grâce à Jean-François Mercier, lui a aussi permis d'élargir son public. Guillaume Wagner croit au sens de dire ce qui ne va pas dans la société dans l'espoir de la changer. Il rejette «le prérequis de l'humour» qui consiste à chialer sur tout et à dire que «tout est d'la marde».

«Si c'est ça, pourquoi en parler? demande-t-il. C'est un peu égocentrique. Je n'ai pas de solution, mais j'ai espoir qu'il en existe. Je comprends le cynisme, mais je pense que c'est dangereux. Je n'aime pas l'abandon.»

Wagner espère que la voie de la sincérité et de la remise en question lui apportera du succès. «Mais si ce n'est pas le cas, dit-il, je vais peut-être finir par faire des imitations ou de la danse!»

Guillaume Wagner en quelques mots

Il aime les humoristes...

> Chris Rock et Louis C.K., aux États-Unis.

> Stéphane Guillon, Christophe Alévêque et Dieudonné, en France.

> Mike Ward, Jean-François Mercier, Maxim Martin et Martin Petit, au Québec.

Il blague...

> 2005: «Pourquoi n'ont-ils pas encore fabriqué de figurine Bobblehead de Muhammad Ali?»

> 2008: «J'ai deux chats chez moi et j'me suis rendu compte que j'aime ça vider la litière avec l'espèce de petite pelle-passoire. J'me sens comme un archéologue une journée où y trouve juste de la merde!»

> 2011: «Le Botox: pourquoi ce sont les gens qui ont le plus peur de la mort qui ont le plus l'air embaumé?»

> 2012: «La souveraineté: tout ce que je dis, c'est qu'on est différents, pis me semble qu'on mérite d'exister, pas juste de résister.»

Est-il?

> Prétentieux: «Certains pensent que je me prends pour un autre.»

> Provocateur: «Je suis un non-provocateur, mais ça provoque quand tu dis le fond de ta pensée.»

> Intellectuel: «Dans la vie, oui, mais sur scène, pas tant que ça.»

> Indigné: «Oui. Je n'aime pas quand on vit dans le mensonge et l'hypocrisie.»

> Arrogant: «Je suis arrogant. Je l'assume. Je le revendique.»

> Humain: «Je suis passionné par les rapports humains.»

Il lit...

> L'amour dure trois ans, de Frédéric Beigbeder

> Raison oblige, de Normand Baillargeon

> Les nouvelles cordes sensibles des Québécois, de Jacques Bouchard

> Petit cours d'autodéfense en économie, de Jim Stanford