Il n’était pas question pour Ariane Roy, Thierry Larose et Lou-Adriane Cassidy de vivre cette tournée autrement qu’en clan élargi.

« C’est vraiment important que tout le monde chante les mots “Ensemble devant l’impossible" », lance Alexandre Martel à ses neuf camarades. Les 10 musiciens viennent de répéter durant leur test de son la chanson thème du spectacle Le Roy, la Rose et le Lou​[​p] et la demande du guitariste et metteur en scène, bien que purement technique, a aussi valeur de métaphore.

C’est tous ensemble devant l’impossible que Ariane Roy, Thierry Larose et Lou-Adriane Cassidy, ainsi que tous leurs musiciens respectifs, ont souhaité goûter au moment le plus important de leur bourgeonnante carrière. Conséquence heureuse, mais pas commode : il y a beaucoup, beaucoup, beaucoup d’équipement sur scène.

  • Ariane Roy, alias le Roy

    PHOTO JOSIE DESMARAIS, LA PRESSE

    Ariane Roy, alias le Roy

  • Thierry Larose, alias la Rose

    PHOTO JOSIE DESMARAIS, LA PRESSE

    Thierry Larose, alias la Rose

  • Lou-Adriane Cassidy, alias le Lou[p]

    PHOTO JOSIE DESMARAIS, LA PRESSE

    Lou-Adriane Cassidy, alias le Lou[p]

1/3
  •  
  •  
  •  

Créé aux Francos en 2022, le spectacle à trois têtes prenait la route le 2 novembre pour une dizaine de dates, après trois jours en salle de répétition et des mois de travail, d’angoisse et d’exaltation. Des mois durant lesquels le poil sur les bras d’Ariane aura été leur fil d’Ariane.

« Elle a ce qu’on appelle le frissomètre », explique dans leur loge Thierry Larose, vêtu d’un splendide t-shirt trouvé dans une boîte à donner sur le trottoir. Accroché à son veston : un macaron « Que Dieu bénisse cette génération » offert par Gilles Valiquette, qui chantait lui-même cette phrase en 1972 et qui était venu interpréter La vie en rose avec eux en 2022.

« Dans nos rencontres préliminaires, on a tout de suite parlé de faire un show à la manière des grands happenings des années 1970 à la gloire du pays », se souvient le directeur musical Alexandre Martel. C’est à l’amoureuse de Thierry et responsable de tout l’aspect visuel de sa carrière, Marianne Boucher, que l’on doit l’idée du clin d’œil à J’ai vu le loup, le renard, le lion, l’évènement de 1974 réunissant Robert Charlebois, Félix Leclerc et Gilles Vigneault.

Mais sa réplique contemporaine se distingue de ces spectacles cultes en ce que deux de ses têtes d’affiche sont des femmes – ce qui n’est pas un détail – ainsi que dans son émouvant désir de brouiller le plus possible la frontière entre l’œuvre de l’un et l’autre. Il n’était pas question de sacrifier certains des musiciens qui les accompagnent en solo sur l’autel de la raison budgétaire, même si l’époque est davantage aux tournées en formation réduite.

« Les shows collectifs, c’est vintage », résume Thierry, qui n’a pas complètement tort, même si la joie de voir et d’entendre autant de gens servir la plus noble des causes communes, celle de la musique, elle, n’a pas d’âge.

Sur la batterie de secours

En après-midi, durant le test de son, les aiguilles du frissomètre d’Ariane Roy, et de tous ses collègues, n’oscillaient pas fort, fort. Trois grosses caisses, des tas d’amplis, 10 musiciens : la scène du Club Soda avait rarement été aussi encombrée. Et le sonorisateur Tristan McKenzie avait beau répéter à la cantonade qu’il ne fallait pas oublier de s’amuser, les nombreux soucis techniques provoqués par un tel embouteillage minaient le moral des troupes déjà promptes à l’appréhension, à l’exception de Thierry, le plus équanime des gars relax.

PHOTO JOSIE DESMARAIS, LA PRESSE

Un macaron chéri

C’est qu’après le triomphe de 2022 (« Dans les annales des Francos », avait titré la collègue Émilie Côté), il y avait dans l’air la conscience d’être aux portes d’une soirée potentiellement historique, mais aussi la volonté de ne pas se laisser envahir par cette idée paralysante. Surtout qu’après trois jours de répétitions et deux spectacles à LaSalle et à Gatineau, ils étaient tous « sur la batterie de secours », comme l’illustrait le pianiste Vincent Gagnon, sous le regard approbateur du bassiste Sam Beaulé et de la choriste/claviériste Odile Marmet-Rochefort.

Dans les loges, Lou-Adriane en décousait avec une fébrilité cousine de la crise d’angoisse et papillonnait de la salle de maquillage à un petit tournage auquel elle devait participer pour le compte de la distillerie de gin qui commandite la tournée. Seuls les bras de son amoureux, Alexandre Martel, semblaient parvenir à l’apaiser.

« Tantôt, je pensais que je n’y arriverais pas, mais là, ça va mieux », dira-t-elle quelques minutes avant 20 h, pendant que Thierry et son ami batteur, CAO, extatiques, hurlaient Monkberry Moon Delight de Paul McCartney.

L’heure du bol

« C’est bientôt le bol ? », demande Lou-Adriane. « C’est quoi, le bol ? », de répliquer Dominique Plante, guitariste et collaborateur privilégié d’Ariane. Le bol, c’est le bol tibétain de l’autre batteur, PE Beaudoin. Quelques minutes avant d’être appelé sous les projecteurs, les 10 membres de la distribution s’entassent dans une petite pièce sombre et se recueillent au son de la note qui retentit de l’objet sacré.

PHOTO JOSIE DESMARAIS, LA PRESSE

Le rituel du bol tibétain

Puis les rires reprennent leurs droits sur le silence et toute la bande crie en chœur : « On s’en fout, on vit pour la musique », une phrase clé de la chanson thème du spectacle Le Roy, la Rose et le Lou​[​p], dans laquelle ils se promettent aussi de ne jamais oublier d’où ils viennent.

Les récentes statistiques sur l’écoute en ligne de la musique québécoise sont évidemment présentes à leur esprit. « C’est sûr que ça nous motive », confirme Thierry. « L’héritage de la musique québécoise est tellement riche et on dirait qu’il y a en ce moment un dédain chez beaucoup de jeunes pour la culture QC, qui me semble injustifié. »

« Ça me fait de la peine de me rappeler qu’au secondaire, j’étais gênée de dire que j’écoutais de la musique québécoise », ajoute Ariane.

Mais il y a dans la ferveur de leur public source d’espoir.