Marie-Pierre Arthur
Ce n’est ni comme musicienne ni comme admiratrice que Marie-Pierre Arthur pense d’abord à Jean-Pierre Ferland. « C’est plus comme un meuble dans la maison de mes parents, dit-elle. Mon père en joue tout le temps. On chante souvent en famille Je reviens chez nous, Le petit roi, Une chance qu’on s’a… C’est comme des chansons qui nous appartiennent. Elles ne me rappellent pas seulement Jean-Pierre Ferland, mais ma famille, mon enfance. Ces chansons-là sont comme de vieux souvenirs qui m’appartiennent à moi tellement elles ont été présentes. » Ce genre d’attachement est rare, précise-t-elle.
Comme musicienne, elle admire le sens de la mélodie de Ferland et son habileté à le combiner avec le mot magique, ce qui fait qu’on est ému chaque fois qu’on réécoute l’une de ses chansons qu’on a pourtant entendue mille fois. « Attendre le mot que tu sais qui va venir et que tu sais qu’il va t’émouvoir et en être ému quand même, je trouve ça beau », dit-elle, en citant Une chance qu’on s’a. Marie-Pierre Arthur loue aussi l’interprète qu’il était.
« Il y a quelque chose dans son phrasé qui est proche du parler, quelque chose de très sincère, souligne-t-elle. Il y a toutes sortes de voix, mais les plus sincères sont toujours prenantes. C’est là, ça ne se calcule pas, ça ne s’invente pas. Tu sens que la tête n’interfère pas entre le cœur et la voix. Ça passe directement. »
Vendôme
Les gars de Vendôme ne font pas de cachette de leur admiration pour Jean-Pierre Ferland. Ils citent son nom et le titre de son album Jaune dans leur chanson intitulée Mon band Vendôme. « Jaune, c’est l’album en français que j’ai le plus écouté, dit Marco Ema. C’est un album révolutionnaire. Je suis un grand fan des Beatles et je trouve qu’il y a de ça sur ce disque-là. Je trouvais important de le nommer dans une de nos chansons, parce que sa folie et son imagination ont vraiment été une influence. »
Tom Chicoine, lui, a connecté avec l’univers de Jean-Pierre Ferland en le voyant chanter Si on s’y mettait à la télé avec Hubert Lenoir à l’émission Les échangistes, en 2018. Ce qui l’a aussi mené à l’album Jaune. Pour ces deux gars dans la vingtaine, ce disque a cassé à leurs yeux l’image du chanteur pour « un public plus âgé ».
Ils ont lu par la suite sur l’enregistrement de cet album et ont pris conscience du fait que Ferland a été une espèce de chat à neuf vies qui s’est réinventé souvent et qui avait un côté provocateur. En fait, ils le trouvent « badass », lorsqu’ils pensent au courage artistique dont il a fait preuve et aux critiques qu’il a encaissées. « Pour ça, je le trouve inspirant », dit Tom Chicoine.
Thierry Larose
Adolescent, Thierry Larose ne se trouvait pas beaucoup d’atomes crochus avec la musique québécoise. « Comme beaucoup de jeunes de ma génération, j’avais un préjugé, presque du dédain [pour la musique d’ici] », dit-il, ajoutant que même des artistes comme Charlebois et Ferland passaient pour des « mononcles » à ses yeux.
Sa vision des choses a changé lorsqu’il a eu 15 ans. Embauché comme chansonnier dans un vignoble de Rougemont, près de chez lui, il n’avait qu’une contrainte : ne jouer que des chansons québécoises. « J’ai décidé de faire mes devoirs et j’ai emprunté les CD de musique québécoise de toute ma famille », raconte-t-il. Dans le lot, il y avait un exemplaire de Jaune, de Jean-Pierre Ferland. Qui l’a touché. « C’est un album tellement poignant… et étrange, juge-t-il. Il ne sonne comme rien d’autre. »
Son admiration pour le côté aventureux de Ferland ne concerne pas seulement Jaune, mais aussi la trilogie qu’il forme avec Soleil, paru l’année suivante, et Les vierges du Québec (1974), « qui ont tous un petit côté extraterrestre ». Il signale qu’on sous-estime souvent, à son avis, la qualité des arrangements et des sonorités des disques de Ferland.
« Des albums québécois avec des synthétiseurs comme Les vierges du Québec, il n’y en a pas beaucoup, dit-il. Il y a d’autres gens qui ont fait des trucs éclatés, mais ce que Jean-Pierre Ferland a fait demeure assez unique. »
Lumière
Lumière reconnaît d’emblée l’influence de Jean-Pierre Ferland sur sa musique. « Surtout Jaune et surtout pour mon premier album, dit-il. Mon premier disque parlait d’émancipation et il y a beaucoup ça, je trouve, sur Jaune. L’idée de devenir ce qu’on a envie d’être. » Il appuie son propos en évoquant le changement de cap de Ferland qui, de retour de France à la fin des années 1960, brise son propre moule pour se réinventer avec son grand disque publié en 1970.
Ferland, l’auteur, le touche en raison du mélange de « naïveté et de sensibilité » qu’il trouve dans des mots souvent simples, mais dont l’agencement leur donne un sens parfois fuyant. « Je trouve ça très séduisant », dit-il, à propos de cette approche poétique. Lumière avoue que le côté de Ferland romantique amoureux des femmes ne l’a pas spontanément touché, mais qu’il reconnaît en lui un grand amoureux. Il trouve aussi Ferland inspirant dans la façon qu’il a eue d’exprimer librement ses envies, son désir, tout au long de sa vie et l’ambition dont il a fait preuve sur Jaune et Soleil.
Jean-Pierre Ferland coiffe Taylor Swift dans le palmarès d’iTunes
L’album Jaune du regretté Jean-Pierre Ferland s’est hissé lundi en deuxième position du top 100 canadien des albums les plus vendus d’iTunes, devançant The Tortured Poets Department, de Taylor Swift. C’est l’album Pub Royal, des Cowboys Fringants, dans lequel on peut entendre la voix du chanteur Karl Tremblay, disparu le 15 novembre dernier, qui arrive en tête de ce palmarès très convoité des meilleurs vendeurs au pays. Les autres albums de Jean-Pierre Ferland font également bonne figure. Son Premier coffret, réunissant 27 de ses chansons, arrive en 4e place, tandis que son album Écoute pas ça, sorti en 1995, occupe la 5e position. Chansons jalouses, paru en 2016, est en 6e position et son album live Tournée 2000 arrive en 10e. Ce n’est pas tout. Si on s’attarde au top 20, on retrouve également les albums Je n’veux pas dormir ce soir (12e), Soleil (14e), Soleil remasterisé (16e), Second coffret (17e) et Les noces d’or de Jaune (19e). Bref, 11 des 20 albums les plus vendus reviennent à Jean-Pierre Ferland.
Jean Siag, La Presse