Louis-José Houde explique pourquoi il tire sa révérence

« Dans ma tête, je m’étais dit que j’allais faire ça une fois, entre deux tournées », se souvient Louis-José Houde au sujet du moment où il a accepté, en 2006, de prendre la barre du Gala de l’ADISQ. L’humoriste, rencontré dans sa loge vendredi en fin d’après-midi, s’était rarement à ce point trompé.

Petit instant de confusion à notre arrivée à la salle Wilfrid-Pelletier. « Moi, c’est Josie », lui annonce la photographe. « Moi, c’est Louis-José », répond l’humoriste en appuyant sur le « Louis », parce qu’il avait compris que notre collègue s’appelle Josée. « Non, pas Josée, Josie », répète-t-elle. « Ah, Josie ! Comme la dernière chanson de l’album Aja de Steely Dan. » Une phrase qu’à peu près personne d’autre n’aurait pu prononcer.

C’est l’évidence, mais les évidences méritent parfois d’être surlignées : il y avait peu de candidats aussi parfaits que Louis-José Houde pour piloter la fête des artistes et artisans du merveilleux monde de la musique. Selon ce qui a filtré jusqu’à ses oreilles, c’est une rubrique publiée dans La Presse, dans laquelle il révélait le contenu de son iPod — peut-on faire plus 2006 que ça ? —, qui aurait intrigué certains membres du conseil d’administration de l’ADISQ.

PHOTO BERNARD BRAULT, ARCHIVES LA PRESSE

Avec Catherine Pogonat, en 2006

« J’avais choisi quelques chansons un peu plus off-Broadway, c’était assez éclectique, et semble-t-il que ça avait attiré l’attention », se souvenait-il vendredi en fin d’après-midi, dans sa loge de la salle Wilfrid-Pelletier, presque son deuxième salon.

Pourquoi tire-t-il sa révérence alors que ce rôle lui va aussi bien que les touches d’un piano au bout des doigts d’Ariane Moffatt ? Parce que la charge de travail, surtout quand on refuse de faire les choses à moitié, n’est pas à négliger. Et parce que chaque fois qu’il ajoute une partie parfaite à sa fiche, la pression de ne pas gâcher ce sans-faute se décuple. L’année de trop est si vite arrivée. Il songe à se retirer depuis 2020, mais la pandémie aura retardé sa décision.

« C’est très, très dur sur les nerfs », confie Louis-José, une réalité dont son dos pourrait amplement nous entretenir. En 2021, une hernie discale, visiblement dotée d’un moins bon sens du timing que lui, se manifestait quatre jours avant la distribution de petites statues dorées. « Ma thérapeute était là, en coulisses, tout le long, explique-t-il. J’étais bourré d’antidouleurs. »

Disons que c’est énormément de pression, que tout repose sur une seule soirée.

Louis-José Houde

Mais c’est aussi beaucoup au nom de la beauté que le meilleur animateur de galas au Québec se pousse, davantage que parce que la possibilité de se planter lui donne la frousse. Il avait 28 ans en 2006, il en aura 46 dimanche lorsqu’il nous accueillera à la 45édition de la cérémonie.

« Je trouve ça important de m’en aller quand c’est encore le fun. Ç’a été tellement majeur dans ma vie, je ne peux pas étirer ça. Il faut que ça reste beau, parce que ç’a été beau tout le long. »

Le signe d’Elvis

Louis-José Houde venait tout juste de sortir des bureaux du coproducteur du DVD de son premier spectacle quand il a reçu l’appel de son gérant qui lui annonçait que l’ADISQ lui proposait l’animation de son gala principal. Il n’était alors pas encore la figure établie qu’il deviendrait, qu’un jeune comique sur lequel on misait gros. Ses prédécesseurs immédiats : le chanteur Michel Rivard et le lanceur de statuette Guy A. Lepage.

« Dans ce temps-là, un DVD, ça marquait la fin d’un cycle de travail, rappelle-t-il. J’avais commencé à écrire un peu, mais je n’avais rien devant moi. Je marchais sur Marie-Anne, mon téléphone a sonné, et d’où j’étais, je voyais Ameublement Elvis. » Il se fait rire lui-même. « J’ai pris ça pour un signe. »

PHOTO JOSIE DESMARAIS, LA PRESSE

Louis-José Houde

L’humoriste ne s’était jamais vraiment projeté dans ce poste — « Tu ne t’inscris pas à l’École de l’humour pour animer un gala de prix » — avant 2003, après être allé cueillir son trophée du Spectacle de l’année — humour. Il avait souligné, durant ses remerciements, l’ironie pour un diplômé en musique pas si talentueux que ça de remporter un Félix et s’était senti à l’aise devant cette communauté qui est un peu la sienne, bien que pas tout à fait.

Ses quelques premières éditions auront néanmoins été « vraiment terrorisantes », se remémore-t-il.

Ça allait bien une fois sur scène, mais je me demandais toujours : « Comment ça se fait que des gens qui ont énormément de talent et de métier se plantent en animant un gala ? » Et j’en suis venu à la conclusion que c’est parce qu’ils ne s’étaient pas assez familiarisés avec le matériel. Pourquoi on casse des numéros devant un million de personnes ?

Louis-José Houde

Il soumettra à partir de ce moment-là ses numéros d’ouverture à la même rigoureuse méthode de rodage que celle avec laquelle il polit et pomponne ses propres spectacles. Le monologue que vous entendrez dimanche ? Il l’a déjà répété une trentaine de fois dans la petite enceinte du Bordel. Chacune de ses autres présentations est aussi de son cru.

« Ç’a été ma solution pour que ce ne soit plus terrorisant : je mets de la musique et je réfléchis pendant des heures à ce que j’ai à dire sur Robert Charlebois. À quoi Louis-Jean ou Ariane me font penser ? C’est ce qui fait que ça vient de mon ventre quand arrive le temps de le livrer. »

Pour la dernière fois, vraiment ?

Ses meilleurs souvenirs ? « C’est pris dans une espèce de pain », répond-il. Quelques flashs, en vrac : le gigantesque bouquet que lui ont envoyé Céline Dion et René Angélil au lendemain du gala de 2008, tenu au Centre Bell. « C’était presque un arbre, ce bouquet-là. »

Il lui vient en 2011 l’idée d’amorcer la soirée en jouant du sousaphone, un instrument caricaturalement gigantesque. « Une fois, je pratiquais seul chez moi et je m’étais dit que ce serait le fun que je sois capable de faire une ou deux poses un peu nounounes à la guitar hero, mais avec le sousaphone. Et je m’étais retrouvé coincé sous le cristie de sousaphone, par terre, comme une coccinelle sur le dos. C’est mon least glamourous ADISQ moment. »

PHOTO HUGO-SÉBASTIEN AUBERT, ARCHIVES LA PRESSE

Avec son sousaphone, en 2011

Et des souvenirs du party post-gala ? « Après ma première animation, je parlais avec Jonas, qui n’était peut-être pas encore complètement au fait de qui est qui dans la culture francophone. On jase de musique, des Stones, ça va bien, puis il finit par me demander mon numéro, peut-être pour que j’aille jouer de la batterie avec lui. Et je le vois dans son téléphone écrire “ Patrick Huard ». » On rit fort. « Il ne m’a jamais appelé. »

Dimanche soir, Louis-José Houde ira pour la dernière fois jusqu’au bout de la route et de la nuit, au nom du champagne et du showbiz, mais n’exclut pas, sans en faire un plan formel, de revenir un jour à cette remise de prix à laquelle il demeurera inévitablement associé. Un de ses héros, Yvon Deschamps, en a piloté quatre éditions, de 1980 à 1983, puis quatre autres, 10 ans plus tard, en 1993, 1994, 1996 et 1997.

Ce qu’il a à l’agenda, lundi matin, au réveil ? Quelque chose pour lequel il a préféré attendre d’avoir l’espace mental requis. « Je vais écouter pour la première fois le nouvel album des Stones. »

Le gala de l’ADISQ est diffusé ce dimanche, 20 h, sur ICI Télé