Avec son troisième album en quatre ans, P’tit Belliveau s’affirme comme le plus authentiquement singulier des artistes. Et il prouve que même en vivant à 1000 kilomètres de Montréal, on peut mener avec succès sa carrière de manière indépendante.

Pour la promo montréalaise de cet album homonyme, l’auteur-compositeur-interprète acadien, qui habite Baie Sainte-Marie en Nouvelle-Écosse, nous a donné rendez-vous dans une salle de quilles. Le lieu est assez bruyant et inusité pour qu’on lui pose d’emblée la question qui nous taraude : mais c’est quoi l’affaire avec les grenouilles ? Non seulement c’est l’illustration sur la pochette, mais trois des pièces ont aussi le mot « frog » dans leur titre – The Frog Swamp, The Secret Life of Frog, The Frog War.

« Il n’y a rien de deep, vraiment on s’amuse ! », nous répond Jonah Richard Guimond, alias P’tit Belliveau, qu’on a découvert comme finaliste aux Francouvertes en 2019. « J’aime les grenouilles, je trouve ça cute. Des gens m’ont parlé de french frogs, mais je n’ai jamais pensé à ça ! Je pense à rien, moi. »

Ce n’est donc pas non plus une métaphore sur le monde ? « Jamais ! Il n’y a pas de deuxième ou troisième degré. » Il sourit. « Il n’y a quasiment pas de premier degré ! »

Extrait de The Secret Life of Frog, de P’tit Belliveau
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Le style P’tit Belliveau

C’est ça, le style P’tit Belliveau, qui est du genre à intituler son premier album Greatest Hits Vol. 1, et dont la chanson Income Tax est devenue le plus improbable des succès. Il résume ainsi « le seul degré » qu’il connaisse : « Be happy, on va être bien, et on ne se casse pas la tête plus que ça. » C’est sa philosophie dans ses spectacles, dans ses albums, dans son métier qu’il ne prend pas moins au sérieux.

Je prends ma job au sérieux, comme avant quand c’était ma job de construire des maisons. Ça ne veut pas dire qu’il n’y a pas d’art là-dedans. Bien sûr que je suis un artiste !

P’tit Belliveau

Mais P’tit Belliveau regarde son métier avec pragmatisme, et il estime que son travail est d’abord d’offrir un service : permettre au public de s’évader le temps d’une soirée. « Je le fais au meilleur de mes capacités », dit le chanteur, qui vit très bien avec l’idée qu’on le prenne pour un clown.

« Je m’en fous. Mes fans, qui comprennent bien ma proposition, ils savent que c’est toute la gamme. » En effet, il y a du plus sérieux et du plus « emotional » dans ses chansons, dont l’objectif reste de « faire le portrait le plus honnête possible de la vie à La Baie », explique-t-il.

Extrait de P’t’être qu’il a du tequila dans la brain, de P’tit Belliveau
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Outre son opéra rock de grenouilles, P’tit Belliveau y va ici autant d’un doux hommage à son grand-père (L’église de St-Bernard) que d’un récit drolatique d’une dérape dans le Sud (P’t’être qu’il a du tequila dans la brain), en passant par ses habituels appels à profiter de la vie avec simplicité (Feel bonne).

Mais alors que ses deux autres albums nageaient plus dans le country-bluegrass, qu’il mélangeait habilement à de la musique électronique, celui-ci est plus éclaté. P’tit Belliveau se promène entre le punk-rock et le métal, le country et le rap.

Extrait de Feel bonne, de P’tit Belliveau
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« Ça ressemble à une playlist Spotify. Les miennes sont comme ça : il y a une chanson métal où tu ne comprends pas ce que le gars dit, puis du Talyor Swift. Cet album, c’est plus une collection de singles. » Les gens écouteront ensuite leurs préférées selon leurs goûts... comme ils le font déjà de toute façon !

PHOTO MARTIN CHAMBERLAND, LA PRESSE

P’tit Belliveau

Le monde aime dire qu’il aime les albums. Mais dans la réalité, c’est 5 % des gens qui écoute des albums au complet ! Je sais combien de vinyles je vends par soirée… Je vends huit fois plus de t-shirts.

P’tit Belliveau

Autonomie

Depuis ses débuts P’tit Belliveau fabrique ses albums à peu près seul, chez lui dans son studio. Après la parution d’Un homme et son piano, son deuxième album sorti en 2022, il a fait un pas de plus vers l’autonomie en quittant l’étiquette Bonsound pour se produire de manière indépendante.

« C’est pas pour enlever leur travail, elles m’ont aidé par le passé, analyse-t-il. Mais on surestime à quel point cet aspect est essentiel. L’industrie de la musique maintenant, c’est 80 % faire des shows. Il n’y a rien de ça qui a à voir avec une maison de disques. »

Son équipe est réduite au minimum, et il a conservé les tâches qu’il aime, comme celle d’agent de spectacle. « Ça fait un an et demi que je suis mon propre booker. » Il aime discuter, négocier, et surtout il peut se dessiner exactement la tournée qu’il veut, avec du temps pour revenir chez lui. Quand même, c’est impressionnant qu’il réussisse à gérer tout ça sans déménager à Québec ou à Montréal.

« On va jouer les plus gros shows de notre vie l’été prochain, on va continuer à croître... Je ne comprends pas pourquoi j’aurais besoin de déménager. C’est vrai que je dois parfois refuser des opportunités, mais si je vends des billets, que je transporte les gens pendant une heure et demie, le reste, c’est des détails. »

Quand on lui fait remarquer qu’avec un album tous les deux ans, il est plutôt productif, P’tit Belliveau est étonné. « C’est quoi normalement ? » Souvent trois, quatre ans... « Mais ils font quoi, les autres, pendant ce temps-là ? » Lui compose de la musique tout le temps, aimerait faire un peu plus de réalisation, est fier de son parcours qui est un mélange de chance et de travail... et il a l’intention que ça continue. « Les autres options que j’ai, c’est de me briser le dos et de sacrifier mon corps », dit l’ancien travailleur de la construction.

« Oui, il y a des moments en musique qui sont difficiles. Mais comparé à ma vie d’avant, c’est rien. C’est la différence entre voici 100 000 piasses, et se faire puncher dans la face. C’est même pas comparable. »

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