Des envoyés qui quadrillent le globe, des photos exclusives achetées à gros prix, des exemplaires tout en couleur sur papier blanc de blanc : « le magazine de l'actualité, des célébrités, de la guerre et des princesses » fait le pari du journalisme qui coûte cher pour traverser la crise des médias.

Dans ses bureaux de Levallois-Perret, tout juste à l'ouest de Paris, le directeur de la rédaction de Paris Match Olivier Royant teste en entrevue avec La Presse les thèmes de sa présentation pour C2 Montréal, prévue aujourd'hui.

Sur les murs, les pages couvertures qui ont marqué les presque 70 ans d'histoire du prestigieux titre. Dans de grandes bibliothèques, les exemplaires qui ont annoncé au monde chaque mariage monégasque, chaque divorce du gotha parisien, chaque guerre. Le seul endroit où les duchesses côtoient la misère des bidonvilles, séparés par l'épaisseur d'une feuille de papier glacé.

Et chaque fois en photos : toujours les plus grandes, souvent les premières, parfois les seules. Son surnom, « L'album des Français », l'hebdomadaire ne l'a pas volé.

Ce matin-là, jeudi, jour de parution, une entrevue et des photos de la femme de l'ambitieux ministre Emmanuel Macron, de 20 ans son aînée. « La couv fait le buzz », comme on dit à Levallois-Perret.

« L'ADN de Match, c'est "tout pour l'événement" », explique M. Royant, petite cinquantaine, ex-correspondant de la maison aux États-Unis. « Les gens qui suivent Match sont prêts à tout nous pardonner, sauf de rater l'événement. La deuxième chose, c'est la véracité absolue de ce qu'on publie. [La troisième chose], c'est un journalisme fondé sur l'humain, pas sur les idées, dans un pays marqué par les idées. »

Paris Match « n'échappe pas à la crise ». Mais en continuant à attaquer ces trois fronts sur le fond et en expérimentant sur la forme, il se trouve « parmi les magazines les moins affectés » par la crise des revenus de diffusion et de publicité qui affecte l'industrie de la presse écrite, jure le chef d'orchestre de l'hebdomadaire.

Le papier, la «première expression»

Paris Match, c'est quatre millions de lecteurs pour la version papier chaque mois, avec un magazine offert dans 26 000 points de vente. « On continue à croire qu'il y a une expression de Paris Match en papier. C'est notre première expression », assure Olivier Royant. « On continue à tirer énormément de revenus du papier : à 2,80 euros, c'est cher. Il faut se différencier, il ne faut pas faire comme la télévision, il ne faut pas faire comme les "news magazines" », comme Le Point ou L'Express.

La solution : à Match, à côté des expérimentations technologiques, on continue à faire du journalisme comme dans les années fastes de la presse magazine, du « journalisme de luxe ». « On a beaucoup travaillé dans les dernières années sur la protection de la valeur », explique M. Royant. 

PHOTO FOURNIE PAR PARIS MATCH

Pantoufles aux pieds et masque sur les yeux, le futur président français Jacques Chirac, alors premier ministre, se repose à bord du Concorde l’emmenant en Nouvelle-Caledonie, en 1987. 

Mais pour la survie du titre purement généraliste, « on n'a pas d'autre choix que d'avoir une démarche haut de gamme, continue-t-il. C'est cher à fabriquer, cher à faire, mais on ne peut pas abandonner ça. »

Selon lui, un grand fossé divise aujourd'hui les médias : il y a ceux qui ont les moyens d'envoyer des journalistes sur le terrain et ceux qui ne font qu'utiliser les premiers pour remâcher l'actualité, à coûts très faibles. Inutile de dire que Paris Match veut demeurer dans la première catégorie.

Et les dernières années ont vu un glissement qui renforce encore l'image de luxe accolée à Paris Match : exit les publicités de la grande distribution - supermarchés ou prêt-à-porter, par exemple -, remplacées par les marques de luxe. Spécialement l'horlogerie de luxe, selon le directeur de la rédaction.

« On peut être populaire et haut de gamme », assure Olivier Royant, optimiste.

Olivier Royant participera à une table ronde animée par Elizabeth Plank aujourd'hui à 9 h 30, dans le cadre de C2 Montréal.