En 2010, Jacques Savoie, alias «l'homme qui écrit des romans policiers sans le savoir», a publié Cinq secondes, un premier polar mettant en scène Jérôme Marceau, dit Aileron, inspecteur à Montréal. À l'époque, Savoie avait été très étonné d'apprendre qu'il avait écrit un polar et encore plus (agréablement) surpris quand il avait remporté le prix Saint-Pacôme du roman policier.

En 2012, c'est en toute connaissance de cause qu'il nous propose Une mort honorable, variation dramatique autour d'une double thématique: les notions de crime d'honneur et de mort honorable. Après une agression qui l'a laissé entre la vie et la mort, Marceau a passé huit mois en convalescence, et ses supérieurs exigent qu'il prolonge son congé.

Il décide alors de traverser l'Amérique au volant d'un véhicule acheté à un certain Sanjay Singh Dhankar, originaire d'un État indien très traditionaliste. En inspectant le véhicule, Marceau découvre une tache de sang. Du coup, envers et contre tous, il improvise une enquête en solo qui l'amène sur la piste d'un crime d'honneur. Mais voilà qu'il apprend que les jours de sa mère sont comptés et il décide de la prendre en charge. Pour lui préparer une «sortie de scène» honorable, il l'emmène en voyage... sur les traces de Sanjay, persuadé que ce dernier est un meurtrier.

Une troisième affaire (des passeports volés) vient se greffer à cette intrigue déjà complexe, mais Savoie a du métier et tire bien son épingle du jeu. C'est avec plaisir que l'on suit les tribulations de son flic improbable (il a un bras atrophié, d'où son surnom d'Aileron), un être obsédé et obstiné qui mènera son enquête jusqu'au dénouement particulièrement bien pensé. En lisant Une mort honorable, on ne pourra évidemment pas s'empêcher de penser à l'horrible affaire Shafia et au procès spectaculaire qui a suivi.

Délit de fuite

Parlant de flic têtu, obsédé par son métier... Le sergent André Surprenant, de la Sûreté du Québec, nous revient dans une troisième affaire avec L'homme du jeudi de Jean Lemieux, qui tient plus du drame psychologique que du polar.

Le point de départ est assez mince: Surprenant, qui a quitté les Îles-de-la-Madeleine pour s'installer à Québec, enquête sur un délit de fuite mortel. Le cadavre de Jonathan Gagnon, 12 ans, happé mortellement, a été retrouvé dans la rivière Jacques-Cartier. Faute d'indices, le dossier est rapidement fermé.

Deux ans plus tard, Diane Gagnon, la mère de la victime, apprend à Surpenant qu'elle va épouser un cardiologue de la région. Contre l'avis de sa hiérarchie, se fiant à son seul instinct, le policier se met à soupçonner ce fiancé dont le véhicule avait été inspecté après le drame, mais qui a un alibi en béton.

L'essentiel du roman se joue alors au niveau des relations plutôt singulières, presque perverses, qui émergent au sein de cet étrange trio: le flic visiblement entiché de cette femme, Diane, et le cardiologue. Quand les futurs mariés disparaissent soudainement dans la nature, le récit s'accélère, prend des allures de suspense jusqu'au dénouement discutable, partie la plus faible et la moins crédible de ce polar atypique, qui se lit pourtant avec intérêt, mais qui n'a pas la poésie, l'ambiance particulière des récits précédents de Lemieux. Ça manque d'air marin, d'embruns et de parlure locale!

Mais soyons réaliste... Il est vrai aussi qu'au risque de basculer dans l'invraisemblance, un écrivain ne peut pas multiplier les affaires criminelles spectaculaires dans un lieu aussi paisible que les Îles.

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Une mort honorable. Jacques Savoie. Libre Expression, 310 pages, 24,95$.

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L'homme du jeudi. Jean Lemieux. La courte échelle, 294 pages, 24,95$.