C'est une nouvelle mode, une tendance lourde dans le polar contemporain: situer l'action dans un pays étranger, avec en prime une touche d'exotisme et un soupçon de dépaysement. Par exemple, les polars de Donna Leon, écrivaine américaine, se passent à Venise; ceux de Tom Rob Smith, un autre Américain, ont pour cadre la Russie stalinienne; Vish Puri, le détective imaginé par l'Anglais Tarquin Hall, mène ses enquêtes à New Delhi...

Tous ces auteurs (de plus en plus nombreux) ont en commun une bonne connaissance de la géographie, de l'histoire, des moeurs et coutumes de ces pays lointains où ils ont décidé de situer leurs aventures. Matt Rees, que l'on a surnommé le Dashiell Hammet de la Palestine, est un journaliste anglais, spécialiste du Proche-Orient, qui vit à Jérusalem. Ses intrigues se déroulent dans la Palestine contemporaine et mettent en scène Omar Youssef, professeur d'histoire dans un camp de réfugiés à Bethléem.

Après Le collaborateur de Bethléem et Une tombe à Gaza, nous retrouvons ce limier atypique dans Meurtre chez les Samaritains. À Naplouse, antique cité de Cisjordanie (que Youssef décrit comme un cloaque infâme), le jeune Ishag, fils du prêtre des Samaritains, a été assassiné. Tout laisse supposer qu'on l'a tué parce qu'il était homosexuel (une abomination aux yeux des membres de cette secte).

Mais Youssef découvre que le jeune homme avait une connaissance intime des caisses noires du Vieux, l'ancien président de l'Autorité palestinienne (Rees fait de lui un portrait dévastateur), qui aurait détourné des millions de l'aide internationale. Ce meurtre, plus l'odeur alléchante du trésor perdu, ravive la rivalité sanglante entre les diverses factions palestiniennes qui se kalachnikovent à qui mieux mieux dans les ruelles poussiéreuses de ce bled de tous les dangers.

Bien qu'intéressant sur le plan géopolitique, ce polar de Rees manque un peu de rythme. La première partie, très statique, est noyée dans les détails, les anecdotes et les arcanes de l'univers des Samaritains. L'action se précise dans la seconde moitié, mais le lecteur éprouve une agaçante impression de déjà lu.

Fatah contre Hamas, Palestiniens contre Israéliens, corruption généralisée, description des moeurs et coutumes locales... D'un récit à l'autre, on retrouve finalement les mêmes ingrédients et le même message pessimiste : la création prochaine d'un État palestinien n'est qu'un mirage!

John Burdett

Avocat de formation, l'écrivain britannique John Burdett a longtemps travaillé à Hong Kong avant de se consacrer à l'écriture et de s'installer à Bangkok, où il situe l'intrigue de ses polars. Bangkok Psycho est le troisième roman mettant en scène l'inspecteur Sonchaï Jitpleecheep, un flic atypique, bouddhiste pratiquant, tenancier de bordel à ses heures et grand philosophe devant l'éternel. Ses amis considèrent qu'il est un saint parce qu'il est le seul flic non corrompu de toute la Thaïlande.

Sonchaï traverse une période difficile. Il a reçu une cassette sur laquelle on a filmé le meurtre de Damrong, une prostituée d'une très grande beauté, qu'il a aimée jusqu'à l'obsession quatre ans plus tôt. Damrong continue de le hanter. La nuit venue, l'esprit de la prostituée lui rend des visites érotiques qui le bouleversent. Pour que la belle repose en paix, Sonchaï doit arrêter son assassin.

Malgré l'opposition de son supérieur immédiat, un flic corrompu qui a ses propres intérêts dans cette sordide affaire, Sonchaï remonte jusqu'à un club privé de Bangkok, dont les membres font tout pour satisfaire leurs fantasmes extrêmes.

Les polars de cette série nous proposent des intrigues solides, avec en prime une plongée qui n'a rien de touristique dans la Thaïlande d'aujourd'hui, très loin des clichés occidentaux. Dépaysement et action garantis...

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Meurtre chez les Samaritains. Matt Rees. Albin Michel, 360 pages, 29,95 $

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Bangkok Psycho. John Burdett. Presses de la Cité, 346 pages, 32,95 $