Le gouverneur de la Californie, Arnold Schwarzenegger, et Conan ont des destins étroitement liés. Et pourtant, le personnage du barbare cimmérien n'a pas attendu le célèbre acteur pour épater la galerie. Le monsieur muscle préhistorique imaginé par l'auteur américain Robert Ervin Howard dans les années 30 a toujours compté un fan-club bien garni.

Pour célébrer les 75 ans de Conan, la maison d'édition Bragelonne publie cet automne une anthologie des 14 nouvelles de la série. C'est la première fois qu'elles sont publiées dans l'ordre où Howard les a écrites.

 

«Howard a imaginé les histoires de Conan comme si elles étaient racontées par un vieux guerrier au crépuscule de sa vie, explique l'éditeur de l'anthologie, Patrice Louinet, professeur d'anglais parisien qui s'est hissé depuis une quinzaine d'années au sommet de la «conanologie» mondiale. Le problème, c'est que, dans les années 50, un éditeur a décidé de les rééditer de manière chronologique en fonction de l'âge de Conan. Il a écrit de nouveaux épisodes et a empêché pendant 50 ans toute réédition qui ne suivrait pas le modèle qu'il avait tracé.»

Cet éditeur, Lyon Sprague de Camp, est mort en 2000, laissant le champ libre à M. Lounier. En 2003, il a publié, avec un éditeur britannique, une version anglaise des 14 nouvelles originales, dans l'ordre prévu par Howard. Il a ensuite pu lancer la même anthologie aux États-Unis, et vient de tout traduire pour le marché francophone.

Sprague de Camp est honni par plusieurs sites internet consacrés à Conan. M. Lounier, lui, pense qu'il n'a pas que des défauts. «C'est tout de même grâce à lui que Conan est devenu si populaire. Il a lancé la première série de poche, ce qui a suscité l'intérêt de Marvel. La série en bande dessinée a popularisé Conan, ce qui a mené à la sortie du film avec Schwarzenegger en 1982.»

Howard est mort en 1936 à l'âge de 30 ans. Sa disparition, jointe aux aléas géopolitiques mondiaux, a repoussé à la fin des années 40 la première édition complète des nouvelles de Conan. C'était une série de luxe, qui n'a pas fait de malheur en librairie, selon M. Lounier.

Le créateur de Conan s'est suicidé. «Il a toujours eu des idées noires, on le voit dans sa correspondance, dit M. Lounier. Il a probablement attendu la mort de sa mère - il a toujours habité avec ses parents - pour passer à l'acte. Évidemment, la crise économique n'a pas aidé.»

La famille Howard a été plutôt épargnée par la disette, car le père était médecin et recevait des paiements sous forme de vivres. Mais l'écrivain a perdu toutes ses économies dans la faillite des banques locales. «C'est le premier écrivain de Fantasy qui prend un langage proche du peuple. Avant, les auteurs étaient plus littéraires, plus britanniques, dit M. Lounier. C'est probablement à cause de la catastrophe économique. Le monde devient menaçant, violent, et les gens veulent se reconnaître dans les héros. En quelque sorte, ce n'est peut-être pas un hasard, vu les crises géopolitiques et économiques, si les anthologies de Conan ont été republiées ces dernières années.»

Conan le Cimmérien, premier volume

Robert E Howard Bragelonne, 575 pages, 39,95$

***