Auteur de quatre livres, Pierre Gagnon est loin d'être le plus connu des écrivains québécois, mais en France, il obtient un succès qui ferait rougir d'envie bien des romanciers plus célèbres.

> Sur le web: la page de l'auteur chez Hurtubise

Discrètement publié il y a un an et demi chez «Autrement», son roman Mon vieux et moi (intitulé Mon vieux dans son édition québécoise, chez Hurtubise) s'est vendu à 14 000 exemplaires. Sans qu'on s'en rende vraiment compte.

Fort de ce très joli score, l'ouvrage sort ces jours-ci en format de poche (chez «J'ai lu»), au moment où paraît, toujours chez «Autrement», un recueil de nouvelles de Gagnon. Son éditeur parisien lui a trouvé un excellent titre, ce qui est déjà un bon début: J'ai vendu ma bagnole à un Polonais (au lieu de Je veux cette guitare chez Hurtubise).

En France, si on met de côté les best-sellers qui s'écoulent à des centaines de milliers d'exemplaires, les ventes de romans oscillent entre 500 et 2000 exemplaires. Les livres qui atteignent le seuil des 15 000 exemplaires demeurent donc une denrée plus rare qu'on ne le croit, résultat d'une chimie très aléatoire. De bons articles dans la presse voire des critiques enthousiastes ne sont pas la garantie de ventes faramineuses. Par exemple, Catherine Mavrikakis, encensée de toutes parts, notamment par l'influent magazine Télérama, aurait vendu environ 6000 exemplaires de son excellent roman Le ciel de Bay City (chez Sabine Wespieser), ce qui est déjà un succès très honorable.

Pierre Gagnon, lui, n'a pas eu une ligne dans les journaux, pas une critique, ni bonne ni mauvaise. «On est face à un authentique succès de librairie», explique-t-on chez «Autrement».

Ce sont les libraires, en effet, qui ont soutenu et porté le roman, relayés par leurs collègues qui officient dans les médias. C'est le cas par exemple de Gérard Collard, le libraire de la réputée Griffe noire, qu'on peut voir sur la chaîne d'information continue LCI et sur France 5. Lors de sa parution, Collard avait déjà vanté Mon vieux et moi, l'histoire d'un homme qui décide d'adopter un vieil homme prénommé Léo. Il est revenu à la charge pour sa sortie en poche.

«C'est merveilleux, tendre, bouleversant, drôle. C'est un beau livre sur la vieillesse. Il n'y a pas un mot de trop. C'est un sublime bouquin», a dit le libraire, avant d'inviter les lecteurs à se «précipiter» sur «J'ai vendu ma bagnole à un Polonais». «Ces nouvelles sont de petites merveilles», a-t-il ajouté sur le blogue de sa librairie.

Il faut dire aussi que Pierre Gagnon est tombé sur un éditeur dont la réputation n'est plus à faire. Fondé en 1975, «Autrement» a créé sa collection de littérature il y a moins de 20 ans. C'est aujourd'hui une des bonnes «petites maisons» d'édition de Paris, appréciée et choyée par les libraires.

«Pierre Gagnon possède une écriture fine traversée par une sorte de lumière. Avec lui, nous avons fait un pari qui correspond bien à notre sensibilité», expliquait son éditeur Emmanuel Dazin, lors du lancement du livre, la semaine dernière, à la Librairie du Québec.

Compositeur de musique publicitaire, Pierre Gagnon avait fait ses premiers pas en littérature avec 5-FU, le «journal de bord» qu'il avait écrit pendant le traitement de son cancer.

«J'avais tout noté, sans prévoir que ça serait un bouquin. Après, j'ai continué à écrire parce que j'ai aimé ça», confie Gagnon, également auteur d'un roman intitulé C'est la faute à Bono.

Le romancier, qui vit à Québec, a aujourd'hui 54 ans. Il célèbre à Paris ses «dix ans de survie», en savourant son succès: «Je ne cherche pas à plaire, mais si ça plait, tant mieux!».