Romancier, essayiste et commentateur de l'actualité en France, Pascal Bruckner publie Un an et un jour, un roman fantastique dans lequel il règle ses comptes avec l'Amérique de Donald Trump. La Presse a rencontré l'écrivain qui espère être choisi, aujourd'hui, pour entrer à l'Académie française.

Jeune enseignante savoyarde, Jézabel Thevenaz quitte ses montagnes pour Montréal où elle va présenter à un ami de son père la montre qu'il a conçue. Une tempête force son avion à atterrir en Nouvelle-Angleterre où Jézabel va séjourner contre son gré. Ainsi s'amorce l'intrigue d'Un an et un jour, une réflexion sur le temps et sur les États-Unis. 

L'idée de ce livre est née à New York, en 2000...

Oui, j'étais resté dans un vieil hôtel. Les portiers, le personnel à la réception, tout le monde était vieux. Je m'étais dit qu'en dormant là, j'allais prendre 50 ans! J'avais passé une mauvaise nuit, mais le lendemain, je n'avais pas changé! Je m'étais dit que c'était une bonne idée de roman, cet hôtel qui faisait peur.

Votre roman a tout du conte fantastique...

Je regarde beaucoup de séries américaines, françaises et scandinaves. Et mon écriture est très visuelle. Elle se fait en plans, en travelings, en flashbacks. Et j'aime beaucoup Maupassant, Edgar Poe et Barbey d'Aurevilly...

Cette histoire de montre qui détruit le temps, c'est aussi une intention d'écrire sur le temps qui passe et celui qui ne passe pas...

Le temps qui ne passe pas est celui du rêve, de l'inconscient, du désir, des projets. Cocteau disait que le drame de la vieillesse est qu'on pense avoir toujours un avenir illimité devant nous. La montre est l'enjeu du livre qui porte sur la perception du temps. Et sur un horloger qui veut réparer le monde et aider Dieu.

Pourquoi avez-vous choisi que Jézabel soit envoyée à Montréal plutôt qu'à New York?

ll fallait que ça reste dans le monde français, car le livre est aussi fondé sur une opposition entre la vieille France et les États-Unis. Ça prenait un lien sur le goût pour la culture française. Le livre est aussi une manière de régler mes comptes avec les États-Unis.

L'hôtel où l'héroïne est confinée, avec ses personnages colorés, c'est l'Amérique?

Les hôtels sont souvent des endroits hors de l'espace et du temps. Les gens y sont détachés de leurs habitudes. Ils peuvent y exposer leurs pires penchants et leurs instincts les plus généreux. L'hôtel est comme un timbre-poste de l'Amérique, avec ses folies, ses criminels et ses faux prophètes. Une vision de l'Amérique plutôt critique que Jézabel va devoir affronter. Un peu comme le personnage d'Heidi chez les Yankees!

Vous avez vécu et enseigné aux États-Unis. Votre fille y vit. Votre critique à leur endroit est plus aiguë qu'avant...

Il y a dans la société américaine une tendance à refuser le monde et à s'insurger contre les élites de Washington. Pour nous, Français, qui avons vu l'Amérique comme celle venue nous libérer et garante de la santé du monde, c'est fini. La seule chose qui nous console, c'est que Trump n'a pas tous les pouvoirs. Le Pentagone le contrecarre.

Mais l'Amérique fascine toujours les Français...

L'Amérique nous fascine, car il y a en elle une part de barbarie, non pas résiduelle, mais essentielle, avec le culte des armes à feu et de la violence. Les États-Unis sont la synthèse entre l'archaïsme et l'hypermodernité. C'est ça qui est étonnant dans cette nation que j'aime beaucoup, mais beaucoup moins qu'avant.

Vous intervenez en France sur les sujets d'actualité. Vous passez librement du roman à l'essai. Vous avez besoin de changer de registre régulièrement?

Plus personne ne fait ça. Pourtant, c'est une vieille tradition française. On me le reproche en me demandant de choisir, mais je reste fidèle à cette tradition. D'ailleurs, une bande dessinée adaptée de mon roman Les voleurs de beauté sort ces jours-ci au Québec. Et j'ai un conte pour enfants qui sortira en mars. Tant que j'aurai des idées, je continuerai. J'aime sortir des cadres et ne pas être figé dans un genre.

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Un an et un jour. Pascal Bruckner. Grasset. 224 pages.

Crédit : Grasset

Un an et un jour