L'an dernier, Michel Bussi s'est glissé dans le top 3 des auteurs dont les livres se vendent le plus en France, juste derrière Guillaume Musso et Marc Lévy. L'auteur de 50 ans, qui est aussi géographe, a monté une à une les marches vers le succès. De passage à Montréal, il nous a parlé de son plus récent roman, Le temps est assassin, de l'art du suspens, de succès... et de géographie. Portrait d'un auteur populaire qui est resté les deux pieds sur terre.

Entre géographie et écriture

Michel Bussi a commencé à écrire dans le but d'être publié autour de 1994, alors qu'il était au début de la trentaine. «J'admire ceux qui, à 18 ans, sont capables de tout plaquer en disant "je serai le prochain Hemingway". Je suis plus sage. J'ai fait des études, je suis devenu enseignant, et ensuite, quand j'ai eu la sécurité, j'ai commencé à écrire.» Professeur de géographie à l'Université de Rouen et auteur, il mène depuis 20 ans les deux métiers de front. «Le plus difficile n'est pas de trouver l'espace mental: pour moi, l'écriture a toujours été un truc un peu volé à la vie. Et je trouve agréable de travailler dans une sorte d'urgence. Mais oui, il faut de la discipline pour tout concilier. Ceci dit, c'est plus facile à faire quand ça marche!»

Casting

Le temps est assassin, le plus récent roman de Michel Bussi, se déroule en Corse, à la presqu'île de la Revallata. Entre plage et montagne, les lieux physiques y sont particulièrement bien décrits. On se doute bien que le géographe derrière l'auteur y est pour beaucoup. 

«Je détermine d'abord une idée, une histoire, puis je fais une sorte de casting, pour trouver quel serait le meilleur décor. Ici, comme j'avais besoin d'un lieu de vacances, la Corse s'est imposée. J'ai fonctionné comme ça presque pour tous mes romans, et le lieu devient comme un personnage. Ça décide de la couleur.»

Une marche après l'autre

Michel Bussi a attendu plusieurs années avant de voir ses premiers romans diffusés. Édité d'abord chez des éditeurs régionaux en Normandie, il est passé dans les ligues majeures en 2010 avec Nymphéas noirs, publié aux Presses de la Cité, et a connu son premier véritable succès en 2012 avec Un avion sans elle, qui s'est vendu à rien de moins que 500 000 exemplaires (grand format et version poche). Depuis, chacun de ses livres est un événement et «profite du succès du précédent», explique l'auteur qui a vendu 200 000 exemplaires du Temps est assassin depuis sa sortie en France, début mai. «J'ai vraiment monté une marche après l'autre. Mais jamais je ne pouvais imaginer jusqu'où je pourrais aller! Mais j'ai tout connu, les séances de signature où il n'y a personne, éplucher internet pour trouver mon nom... Alors ça me permet de relativiser!»

L'homme aux 3 millions de livres

Selon des données qui datent de 2014, Michel Bussi a vendu au moins 3 millions de livres en carrière et est traduit dans 32 langues. Si ces chiffres peuvent donner le vertige, il avoue avoir l'impression de vivre un dédoublement de personnalité. «Je suis bien obligé de reconnaître que ce sont mes livres qui se vendent à 5000 bouquins par semaine, mais mon quotidien n'est pas impacté par ça», dit celui qui fait partie du top 10 des auteurs dont les livres se vendent le plus en France depuis quatre ans. «Je ne m'y attendais pas, et quand j'ai vu ça, je me suis dit: ça y est, j'ai traversé le miroir.» Ayant atteint le top 3 en 2015 avec des ventes de 1 026 800 livres, il ne vit pas dans la crainte de redescendre. «À ce niveau, franchement, les chiffres importent peu. J'ai 50 ans et ce qui me fait peur surtout, c'est de ne pas avoir le temps d'écrire tout ce que j'ai envie d'écrire.»

Auteur populaire

«Quand j'étais jeune, j'aimais lire du Jules Verne, des romans policiers comme du Agatha Christie, de la SF aussi beaucoup. Pour moi, la littérature, ç'a toujours été une forme d'évasion, j'ai adoré ces auteurs qui m'emmenaient au Moyen Âge, sur la lune, en voyage.» Grand lecteur d'auteurs populaires comme Sébastien Japrisot, c'est ce que Michel Bussi aime offrir aux gens. 

«Si un lecteur me dit qu'en lisant mon livre, il a eu l'impression d'être en Corse pendant 10 heures, ça me suffit. Je n'ai jamais eu de relation intellectuelle avec les livres, plutôt une relation d'émotion. Je ne sais pas si ça signifie être populaire, mais en tout cas, c'est direct de l'écrivain au lecteur.»

La recette du succès

«J'aime faire des romans comme j'aime les lire, très romanesques. J'essaie toujours de trouver une idée de départ où je peux mettre le maximum de choses, de combiner une intrigue compliquée avec l'émotion des personnages, que ce soit crédible tout en suscitant de l'empathie.» Y a-t-il une recette pour écrire des romans à succès? En tout cas, quelle est la sienne? «Je ne sais pas. Ce qu'on me dit, c'est que mes livres ont un côté addictif : on est vite happé par l'histoire.» Un peu comme mettre la main dans la boîte de bonbons, dit-il en souriant... «Chez Harlan Coben par exemple, souvent, il ne se passe pas grand-chose au début. Pourtant il y a une espèce de truc, de non-dit, une manière d'écrire qui est vieille comme le monde mais qui fait qu'on ne peut pas s'arrêter de le lire.»

Thriller domestique

Michel Bussi s'inspire beaucoup de la vie quotidienne pour construire ses romans, qui tiennent plus du suspens que du polar. Le policier partant sur les traces d'un psychopathe qui démembre ses victimes, très peu pour lui. Il préfère parler de filiation, de quête d'identité, de rapports parent-enfant, dans des contextes qui parlent à tout le monde. «J'admire ceux qui réussissent à renouveler le genre du tueur en série. Moi, j'aime bien détourner le quotidien, partir de thèmes très ordinaires pour qu'ils deviennent un objet de fiction et de suspens. Par exemple dans Le temps est assassin, tout le monde est déjà allé au camping. C'est jubilatoire de créer un décalage en insérant de la tension, de l'angoisse. Ça magnifie les lieux aussi, et les choses prennent une autre dimension.»

Le livre

Été 1989: lors des vacances familiales annuelles en Corse, Clotilde, 15 ans, voit ses parents et son frère mourir sous ses yeux dans un accident de voiture dont elle est la seule survivante. Vingt-sept ans plus tard, elle revient pour la première fois en Corse avec son mari et sa fille adolescente. Le jour de son arrivée, elle reçoit une lettre de sa mère... Troublée, Clotilde commence à chercher, à poser des questions, à déterrer le passé. Le temps est assassin se promène ainsi entre le présent et le passé, raconté à partir d'extraits du journal intime de Clotilde datant de l'été fatidique, et qui semble être tombé dans des mains non amicales... Flirts adolescents, histoire d'amour qui traverse le temps, relations mère-fille, secrets de famille bien cachés, patriarche corse au bras long: tout cela est lié par une tension qui s'épaissit de page en page. Un suspens de très bonne tenue, crédible, truffé d'indices cachés et de rebondissements aussi nombreux que surprenants, porté par une écriture très fluide où rien n'accroche. Du vrai bonbon.

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Le temps est assassin. Michel Bussi. Presses de la Cité. 532 pages.

Image fournie par les Presses de la cité

Le temps est assassin, de Michel Bussi