Joël est policier, sa conjointe Martine est vétérinaire. Ils mènent une vie tranquille dans une petite municipalité en apparence sans histoire. Mais l'arrivée d'un cirque provocateur chamboulera la région. Les démons enfouis, les passions inachevées et le côté sombre des citoyens refont surface, mettant un terme à leur quotidien aseptisé. Dans Faims, en librairie aujourd'hui, Patrick Senécal renoue avec l'horreur d'une intensité à en faire des cauchemars. Entrevue avec l'auteur.

La vie tranquille et rangée des citoyens modèles n'intéresse pas Patrick Senécal, sauf quand il est question de faire tomber leurs masques pour montrer leurs côtés les plus sombres. Pour son 17e roman, l'auteur s'offre «l'horreur qui se cache dans le quotidien».

«C'est l'histoire d'une petite famille qui, comme bien des gens, montre des apparences du bonheur, alors qu'ils sont tiraillés par des pulsions et des frustrations. L'arrivée d'un cirque dans leur village fera exploser cette tranquillité», explique-t-il en entrevue.

Cette famille nucléaire est celle de Joël, un des personnages principaux, qui se voit confier la tâche d'élucider les meurtres qui secouent la communauté pourtant si paisible. Drôle de hasard: ces assassinats sanglants (le meurtrier tue ses proies à coups de râteaux à la gorge et au visage) coïncident avec l'arrivée d'un cirque, dont le but est de provoquer les spectateurs et de les faire sortir de leur apathie. De faire rugir de leurs entrailles des frustrations enfouies...

«J'avais envie d'ajouter au récit des personnages excentriques qui chamboulent la vie des gens "normaux". Sinon, le bonheur fait des histoires plates. On ne raconte pas l'histoire des gens heureux, ce n'est pas très intéressant», raconte Senécal.

«C'est pourquoi j'ai introduit cette histoire de cirque, formé de gens qui ont décidé de ne plus être ordinaires et qui veulent propager [leur révolte]. [...] Je pense que l'univers de Faims parle en partie à mes propres peurs, celle d'un gars à l'approche de la cinquantaine qui se demande s'il a réussi la promesse qu'on se fait, quand on a 18 ans, celle de ne jamais tomber dans la platitude du quotidien», ajoute-t-il.

Le retour de la reine rouge

Les amateurs d'un Patrick Senécal plutôt «gore», aux histoires qui font frissonner, seront heureux d'apprendre que l'auteur retourne à ses origines après sa série Malphas, qui explorait plutôt l'humour noir. Faims offre aussi une surprise pour ceux qui ont lu 5150, rue des Ormes et Aliss: Michelle Beaulieu, alias la reine rouge, est de retour.

«Michelle est un personnage qui revient tous les 10 ans. Quand je pensais à mon cirque, elle m'est apparue sans que je sache pourquoi. Quelque part, je me demande toujours ce qu'elle devient, cette femme qui fonce à tête baissée sans morale et sans éthique. Elle va bien pogner un mur et se rendre compte qu'il y a quelque chose de très adolescent et amoral dans sa façon de fonctionner», explique Senécal.

Dans son nouveau roman, le personnage fait une certaine introspection, mais ne vit quand même pas une renaissance dans la lumière.

«Elle ne pourra jamais avoir une véritable rédemption. Si un jour, je montre son véritable destin, c'est clair que ça ne finira pas bien», tempère rapidement l'auteur.

Et comme dans plusieurs de ses autres romans, la sexualité est omniprésente, comptant plusieurs passages suggestifs qui décrivent l'amour comme une passion trop souvent inexistante, perdue, parfois violente.

«C'est sûr que le sexe, c'est vendeur. Mais je n'écris pas de scènes de sexe pour ça. Le roman aborde la question des pulsions intérieures, la sexualité en est une. De renier ça, ce serait plutôt ridicule», se défend Senécal.

Car le sexe de Faims, bien qu'écrit sans gêne, n'a rien du soft porn. «Je n'aime pas la littérature érotique où l'on raconte des exploits sexuels sans intérêt. Passer 10 pages à parler d'un couple qui baise, sans qu'il y ait une motivation narrative, ça m'échappe.»

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Faims. Patrick Senécal. Éditions Àlire.