Qu'ont en commun Le malheur du bas d'Inès Bayard et Chanson douce de Leila Slimani? Les deux romans débutent avec une scène qui constitue l'horrible épilogue d'un récit terrifiant écrit sous haute tension. Et comme Leila Slimani, Inès Bayard voit son roman figurer dans la première sélection des finalistes au prestigieux prix Goncourt. Pour un premier roman - l'auteure n'a que 26 ans -, c'est tout de même remarquable.

C'est l'histoire on ne peut plus banale de Marie et Laurent, un couple de trentenaires parisiens, amoureux, qui ont toute la vie devant eux. Il est avocat et sa carrière prend son envol. Elle travaille dans une banque et a de belles possibilités d'avancement.

Leur vie est bien partie et ils projettent d'avoir un enfant. Un bonheur tranquille comme il y en a mille, mais qui sera anéanti par le viol de Marie. Viol perpétré par son supérieur, un soir, dans un stationnement souterrain.

Viol qu'elle ne rapportera pas et qu'elle cachera à son entourage au prix de sa santé mentale et physique. Viol qui sera suivi d'une relation forcée avec son mari qui ne devine rien, ne voit rien de l'état pitoyable de sa femme.

La grossesse tant désirée se concrétise, mais se transforme en véritable cauchemar. Du plus profond de ses tripes, Marie rejette cet enfant dont elle ne sait plus qui est le père. C'est donc une véritable descente aux enfers que nous raconte Inès Bayard. Plutôt que de tenter de se reconstruire, Marie se mure dans le silence et sombre dans une folie destructrice. 

Qu'est-ce qui a plu aux jurés du Goncourt? Sans doute la manière dont Inès Bayard mène son récit, comme un thriller, sans aucune émotion, dans un style descriptif où les personnages et les évènements sont tenus à distance, ce qui ajoute à l'horreur de la situation.

L'écriture de Bayard est ciselée, froide, précise et donne froid dans le dos. On lit ce roman le souffle court, en redoutant la fin qu'on connaît déjà depuis la première page. 

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Le malheur du bas. Inès Bayard. Albin Michel. 230 pages.