France Théoret a fait paraître deux livres cet hiver, le roman Les querelleurs ainsi que le recueil de poésie Cruauté du jeu. Nos critiques.

Les querelleurs: Si vis pacem, para bellum

On va de surprise en surprise avec le nouveau roman de France Théoret. D'abord, son choix de la maison d'édition, La Peuplade, dont la moyenne d'âge des auteurs ne doit pas dépasser 40 ans. Ensuite, la très belle jaquette avec ses aplats de couleurs et ses lignes droites qui donnent une idée de ce qui nous attend: un monde moderne, mais froid, où la guerre est une raison de vivre. Puis, pour la première fois en 40 ans, France Théoret s'aventure dans un monde uniquement habité par des hommes. Le récit décrit un procès, une lutte sans merci entre un auteur et son éditeur, accusé de trahison. On l'imagine facilement, tous les coups sont permis. Les deux hommes jouent les victimes, croient à leurs propres mensonges, s'entêtent et se butent. Transportés entre la pensée et les agissements de l'un et de l'autre, la tête et le coeur du lecteur seront tentés par une position ou son contraire. Mais l'on comprend vite que tout n'est que guerre d'images et idées préconçues, subterfuges futés et manipulations odieuses. Postures et impostures. On connaît ces hommes, on les a vus dans les parlements, les débats télévisés et les cours de justice. France Théoret a visé juste. Sa tragicomédie, parce qu'on sourit parfois devant les bouffonneries de ces gorilles de pacotille, décrit bien une époque où les coups de gueule se sont insidieusement substitués à la pensée.

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Les querelleurs. France Théoret. La Peuplade. 133 pages.

Cruauté du jeu: de survie et de folie

Ce recueil en trois temps s'ouvre sur une réflexion, entreprise en 2010 dans La nuit de la muette et poursuivie dans L'été sans erreur, à propos de l'art poétique. En poésie, comme en essai d'ailleurs, France Théoret reste cet être réfléchissant, conditionné par «la faim, la soif, le froid». Comment écrire de la poésie dans notre monde si réducteur où les femmes deviennent un label? Jamais en rendant les armes, en tout cas. La deuxième partie montre, par contre, l'autrice fragilisée par la maladie. On retrouve ici la France Théoret qui sonde l'intime afin d'y découvrir des perles philosophiques, elle qui sait si bien «lever la tête au milieu du désastre». Ma mère la folie la fait ensuite entrer plus profondément dans un sujet, pas nouveau chez elle, qui la passionne véritablement. «Comment vit-on l'invivable?» On sent qu'un nouveau chantier est en train de s'ouvrir avec des questions encore nécessaires et fascinantes. La boucle se referme sur le titre inspiré par Artaud: Cruauté du jeu est celle de la vie, du risque d'y jouer et de la possibilité d'en devenir fou. Grâce à la pensée et à l'élévation qu'elle permet, la poète «supporte l'insupportable». Toujours vivante, pourrait-elle s'écrier.

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Cruauté du jeu. France Théoret. Écrits des Forges. 76 pages.

image fournie par Écrits des Forges

Cruauté du jeu, de France Théoret