Terrée au creux d'un appartement réduit à l'état d'infect taudis, une vieille dame sénile résiste contre vents et marées à ceux qui tentent de la déloger.

Pataugeant entre les rives de la misère et de la folie, l'édentée mâche du carton, joue avec la vermine grouillante, s'extasie devant des dépliants publicitaires, ne sortant que la nuit afin d'écumer les poubelles.

Redoutant la visite des pompiers, qui menacent d'enfoncer la porte de son château de détritus et d'excréments, elle persiste à tenir tête aux locataires alentour, dont elle est devenue l'ennemie jurée.

Ce premier roman fascine par le paradoxe qu'il expose: au moyen d'une narration imagée et subjective, Aurélien Delsaux parvient à commuer crasse, pestilence et folie en une véritable esthétique du taudis.

Profondément sombre mais relaté dans une écriture des plus lumineuses, le récit nous suggère de poser, sans jugement, un regard transfiguré sur une réalité sordide.

De portée universelle, Madame Diogène (en référence au syndrome du même nom et à la figure de proue de l'école philosophique des cyniques) reste plus que jamais ancré dans notre ère infestée par deux fléaux: l'alzheimer et le délaissement des aînés.

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Madame Diogène. Aurélien Delsaux. Albin Michel. 138 pages.