Toute sa vie, il aura aimé le bonheur et les plaisirs: Jean d'Ormesson, le doyen des immortels de l'Académie et archétype de l'écrivain à la française, est mort à l'âge de 92 ans, une disparition qui a suscité une myriade d'hommages.

Le romancier est décédé dans la nuit de lundi à mardi d'une crise cardiaque à son domicile de Neuilly-sur-Seine, aux portes de Paris, a précisé à l'AFP sa fille, l'éditrice Héloïse d'Ormesson. «Il a toujours dit qu'il partirait sans avoir tout dit et c'est aujourd'hui. Il nous laisse de merveilleux livres», a-t-elle ajouté entre deux sanglots.

Le président français Emmanuel Macron a salué en Jean d'Ormesson «le meilleur de l'esprit français, un mélange unique d'intelligence, d'élégance et de malice, un prince des lettres sachant ne jamais se prendre au sérieux».

L'ancien président François Hollande qui avait remis à Jean d'Ormesson les insignes de Grand-Croix de la Légion d'honneur s'est souvenu d'un homme qui «cherchait à séduire la gauche par sa culture, son esprit et sa subtilité».

Intime de Georges Pompidou, visiteur régulier de François Mitterrand à l'Élysée, compagnon de route de Nicolas Sarkozy, Jean d'Ormesson établit une relation particulière entre le monde littéraire et le pouvoir durant toute la Ve République.

Homme brillant, espiègle, volontiers séducteur derrière son regard bleu malicieux, l'ancien directeur général du Figaro était un homme résolument de droite mais aussi un amoureux fou de l'oeuvre du poète et communiste Louis Aragon. «Jean d'O», comme il était surnommé, restera surtout comme l'un des plus grands écrivains populaires français. Tous ses livres figuraient sur les listes des meilleures ventes.

«Un symbole»

Parmi les premiers à réagir à sa mort, l'ancien ministre de la Culture de François Mitterrand, Jack Lang, a loué «l'une des personnes qui, malgré l'âge, restait vif, élégant, combatif, continuait à écrire, à être».

Pour Frédéric Mitterrand, autre ex-ministre de la Culture, «c'est un pan de la littérature française qui disparaît».

Au-delà des frontières, le Premier ministre belge Charles Michel a tweeté: «Intelligence, humour pétillant, son oeuvre et le bleu vif de ses yeux. Pensées pour Jean d'Ormesson».

Agrégé de philosophie, Jean d'Ormesson laisse une oeuvre prolifique de romans et d'essais. Privilège rare, la Pléiade l'avait fait entrer de son vivant dans sa prestigieuse collection en publiant un premier tome en avril 2015, qui comprend Au revoir et merci, La Gloire de l'Empire, Au plaisir de Dieu et Histoire du Juif errant.

Cette publication dans la collection de son «maître» Chateaubriand demeurait pour l'écrivain l'une de ses plus grandes fiertés.

L'homme qui avouait avoir écrit son premier roman «pour plaire à une fille», obtint le grand prix du roman de l'Académie française en 1971 pour La Gloire de l'Empire. Deux ans plus tard, il est admis sous la Coupole au fauteuil de Jules Romains. À 48 ans, il devenait alors le benjamin de l'Académie.

À sa manière il a révolutionné la docte assemblée. C'est notamment lui qui se battra pour y faire entrer la première femme en la personne de Marguerite Yourcenar, élue en 1980 et dont il prononcera le discours de bienvenue en 1981.

L'an dernier, l'écrivain s'était beaucoup dévoilé dans un beau et poignant roman autobiographique: Je dirai malgré tout que cette vie fut belle.

«Le temps va venir très vite où je vais me trouver devant Dieu», écrivait celui qui, agnostique, avouait ne pas savoir si Dieu existe avant d'ajouter: «Je crois en Dieu parce que j'espère qu'il existe».