Existe-t-il une formule gagnante pour écrire un best-seller? Quels sont les ingrédients qui composent la recette du succès? Analyse d'un phénomène.

Un best-seller sous toutes les coutures

Auteur et éditeur, Éric St-Pierre vient de publier Comment écrire Comment écrire un best-seller, une parodie des guides d'écriture de romans à succès. Nous lui avons demandé de lire pour nous le dernier roman de Guillaume Musso.

Éric St-Pierre n'avait jamais lu Guillaume Musso avant qu'on lui demande de se plonger dans Un appartement à Paris, le plus récent titre de l'auteur le plus vendu en France. Nous lui avons confié cette tâche parce que dans son dernier livre, intitulé Comment écrire Comment écrire un best-seller, Éric St-Pierre se moque des livres qui promettent de faire de vous un auteur à succès. Il est également éditeur chez Québec Amérique, il en connaît donc un rayon sur la fabrication et la promotion d'un livre.

«Il y a beaucoup d'ingrédients dans ce livre qui font que c'est une recette gagnante, lance-t-il d'emblée. On a créé un environnement idéal pour donner des attentes aux gens et après, on les réalise. Ça donne lieu à des situations un peu invraisemblables vers la fin, mais en même temps, cela correspond exactement à ce à quoi je m'attendais. Le lecteur est donc satisfait.»

C'est en entendant un animateur de radio affirmer que les grands auteurs passaient plus de temps à publier des guides d'écriture qu'à écrire des romans qu'Éric St-Pierre a eu l'idée de son livre. «Je me suis dit que je pourrais prendre toutes les méthodes d'écriture et en faire un guide de guides d'écriture... J'ai donc créé un personnage super narcissique qui pense avoir la vérité absolue et qui parle de tout ce qui touche le livre, sauf l'écriture comme telle...»

Plaire au plus grand nombre

Pour Éric St-Pierre, le succès d'un livre repose sur plusieurs facteurs qui échappent au contrôle de l'auteur et de l'éditeur. «Ça ne se passe pas nécessairement au moment de l'acceptation du manuscrit, explique-t-il. Il y a la réaction du public, qui peut basculer d'un côté ou de l'autre. Les ingrédients peuvent être là, mais la mayonnaise ne prend pas.»

Dans le cas de Guillaume Musso, le fait d'utiliser des références culturelles qui sont partagées par le plus grand nombre possible de lecteurs est un autre facteur de réussite, selon Éric St-Pierre. «Le théoricien de la littérature Stanley Fish parlait de communautés interprétatives, c'est-à-dire d'ensembles de "lecteurs-faiseurs" qui injectent leur interprétation d'un texte en fonction d'a priori, explique-t-il. En d'autres mots, on ne lira pas un texte de la même façon si on est une femme, un Québécois ou un Français. Le truc est de faire en sorte que le plus grand nombre possible de lecteurs soient touchés.»

Éric St-Pierre note que dans Un appartement à Paris, Musso fait entre autres référence à des peintres, des morceaux de musique classique et des films archiconnus. Il cite également plusieurs philosophes de grande renommée. «Il situe en outre l'action dans Paris et New York, les deux plus grandes villes mythologiques de l'histoire, poursuit Éric St-Pierre. Ses personnages sont plus grands que nature; l'un d'entre eux possède son île grecque... Il y en a vraiment pour tous les goûts dans ce livre.»

L'algorithme du succès

Dans The Best Seller Code: Anatomy of the Blockbuster Novel, Jodie Archer et Matthew L. Jockers ont imaginé un algorithme qui prédirait le succès d'un livre. Cet outil analyse le récit, les personnages, l'intrigue, et essaie de comprendre la formule qui fonctionne auprès des lecteurs. Parmi les ingrédients gagnants identifiés par les deux auteurs: une structure simple, symétrique, trois ou quatre thèmes forts, et trois actes maximum. Le livre parfait qui répond à tous ces critères selon eux? The Circle de Dave Eggers (dont l'adaptation cinématographique est actuellement en salle). Ont-ils raison? La dystopie de Dave Eggers a effectivement figuré sur la liste des meilleures ventes du New York Times. Mais les ventes, toutes éditions confondues, ont totalisé environ 200 000 exemplaires. C'est moins que la moitié du premier tirage du roman de Guillaume Musso...

Un autre facteur peut jouer un rôle important. Dans un texte du Guardian paru en janvier dernier, un journaliste s'est penché sur la liste des best-sellers des dernières années pour essayer de trouver quels éléments ces livres avaient en commun. Il a entre autres observé que si l'auteur était une femme qui portait un nom masculin (exemple: E.L. James ou J.K. Rowlings), elle avait plus de chance de vendre des livres.

Éric St-Pierre estime pour sa part que certains noms sont garants de succès. «Il y a des auteurs - Guillaume Musso, Marc Levy, etc. - qui sont devenus des institutions. On s'appuie sur leur renommée, ils sont un peu comme une locomotive.»

Cela dit, même s'il a écrit une parodie qui dénonce le phénomène, Éric St-Pierre insiste pour dire qu'il ne juge pas les auteurs de best-sellers. «En 2017, dans un monde où tout le monde peine à tirer son épingle du jeu, on ne reprochera quand même pas à un auteur d'avoir du succès, insiste-t-il. On ne peut que saluer ça. Je ne m'attaque pas à l'auteur, mais bien au système qui encourage ça.» 

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Comment écrire Comment écrire un best-seller. Éric St-Pierre. La Shop. 184 pages. 

PHOTO ROBERT SKINNER, LA PRESSE

L'auteur Éric St-Pierre

Qu'est-ce qui fait qu'un livre deviendra un succès?

Alors que les derniers titres de Guillaume Musso et de Marc Levy prennent d'assaut nos librairies avec des premiers tirages respectifs de 450 000 et 350 000 exemplaires et une vigoureuse campagne de promotion, nous vous présentons quelques ingrédients qui composent la recette du parfait best-seller.

Les attentes

Guillaume Musso, Marc Levy, mais aussi Dany Laferrière ou Kim Thúy. Il y a des noms qui sont un gage de succès. «Il y a des auteurs attendus, confirme Jonathan Vartabédian, copropriétaire de la Librairie du Square. Il y a aussi des surprises. Qui aurait pu prévoir qu'Anaïs Barbeau-Lavalette vendrait plus de 70 000 exemplaires de La femme qui fuit?» «Parfois, il y a un buzz à l'interne, note Johanne Paquette, attachée de presse chez Dimedia. Quand les représentants sont emballés par un texte, on peut penser qu'il deviendra un bon vendeur.»

Le format

La qualité de la couverture, le nombre de pages idéal (quelque part entre 350 et 550; Un appartement à Paris en compte 472), la largeur des marges, la photo couleur de l'auteur, même la reliure... «Rien n'est laissé au hasard dans le dernier roman de Guillaume Musso», note Éric St-Pierre, éditeur chez Québec Amérique et auteur de Comment écrire Comment écrire un best-seller. On n'a visiblement pas lésiné sur les dépenses, prévoyant que le 14e roman de l'auteur se vendra probablement très bien.

Le bon moment

Certains livres étaient promis à un brillant avenir... jusqu'à ce que le Canadien de Montréal se qualifie pour les séries éliminatoires ou que des élections soient déclenchées. D'autres livres paraissent juste au bon moment sans que ce soit planifié: une controverse qui éclate, un sujet qui se retrouve au coeur de l'actualité peut modifier la trajectoire d'un livre.

La promotion

«Le bouche-à-oreille compte pour beaucoup dans le succès d'un livre, affirme Jonathan Vartabédian, de la Librairie du Square. Les réseaux sociaux et les youtubeuses, très populaires, jouent désormais un rôle dans le succès d'un livre.» «Les gens achètent moins de livres qu'avant, note pour sa part Johanne Paquette, qui représente entre autres les auteurs de Boréal. Résultat: les budgets de promotion ont fondu, on fait moins de lancements qu'avant. Par contre, les réseaux sociaux peuvent faire une différence.»

Les médias

L'effet médias compte encore pour beaucoup dans le succès d'un livre. Au Québec, un auteur qui est invité à Tout le monde en parle - pensons à Pierre-Yves McSween qui a dépassé le cap des 100 000 exemplaires vendus avec En as-tu vraiment besoin? - verra probablement les ventes de son livre augmenter. «Les médias ont un rôle à jouer, croit Jonathan Vartabédian, copropriétaire de la Librairie du Square. Personnellement, je trouve que les grands médias ne parlent pas suffisamment des livres et manquent de curiosité.»

Le nombre d'exemplaires vendus

Combien faut-il vendre de livres pour qu'il soit reconnu comme un best-seller? «Autour de 5000, on peut probablement parler d'un best-seller», croit Johanne Paquette. «Tout dépend de la maison d'édition, ajoute Jonathan Vartabédian. Pour une petite maison d'édition, 2000 exemplaires vendus, c'est un best-seller.» Les gros noms de l'édition, eux, sont dans une catégorie à part. Guillaume Musso est l'auteur français qui vend le plus de livres. Traduit en 40 langues, il a vendu près de deux millions d'exemplaires, toutes éditions confondues, de chacun de ses 13 premiers romans.

Photo fournie par XO Éditions

L'auteur Guillaume Musso