Si quelqu'un sait que l'art peut réchauffer le coeur, c'est bien Alain Labonté. Auteur du très beau récit Une âme et sa quincaillerie, publié il y a trois ans, il s'occupe aussi des Impatients, organisme qui permet à des gens souffrant de maladie mentale de s'initier à l'art. Celui qui lancera le 22 février un nouveau livre qui incite à la réflexion, un échange épistolaire avec Simon Boulerice intitulé Moi aussi j'aime les hommes, nous a suggéré six livres qui font du bien.

La consolation de Jacques Attali

«C'est un recueil de 16 entretiens où chaque personne explique des moments de grande peine qu'elle a traversés, comme Laure Adler, qui a perdu un fils, ou Boris Cyrulnik, qui a survécu aux camps de concentration. Ce livre fait du bien car il permet de mettre des mots sur des grandes douleurs. Et personne n'est dans la complaisance: ils sont dans la vérité, ils trouvent ça dur, mais ils regardent en avant. Pour moi qui n'ai jamais trouvé la vie rose, ça me rassure de voir des gens qui en ont bavé, qui restent debout et qui sont capables de trouver de la beauté dans l'inconsolable.»

Dans les forêts de Sibérie de Sylvain Tesson

«C'est un livre formidable, que j'ai offert à tout le monde. Sylvain Tesson est allé vivre six mois en Sibérie dans le bois et c'est fascinant de voir comment il est capable d'entrer dans la nature, de la décortiquer, et de sortir tout ce qui est lumineux par rapport au silence. Comme j'aime beaucoup faire des retraites de silence, ce livre m'a beaucoup rejoint. C'est aussi une rencontre avec lui-même qu'il fait. Se rencontrer soi peut être houleux, mais heureux aussi. Il en parle avec tellement de lumière, c'est magnifique. Et sa plume est extraordinaire, pour moi c'est un des meilleurs auteurs du moment.»

Une femme discrète de Catherine Perrin

«C'est hallucinant comme il y a des liens entre le livre de Catherine et le mien [ndlr: Une âme et sa quincaillerie], qui parlent de nos mères et de leurs blessures. Ce qui est beau dans ce livre, c'est que cette mère qui a été éprouvée a pu offrir le meilleur d'elle-même à ses enfants, à son mari... Et puis ce titre, Une femme discrète, c'est comme si sa mère nous murmurait des phrases quand on lit, c'est très touchant. Il y a aussi l'amour que lui ont porté ses enfants, qui l'ont accompagnée jusqu'à la fin. Ça fait du bien de voir que dans l'épreuve, on n'est pas nécessairement seul.»

La douleur des volcans d'Hélène Pedneault

«J'ai aimé profondément Hélène et elle me manque encore. Elle avait une plume unique et le sens des phrases qui mettent K.-O.. Dans ce recueil de nouvelles, il y a un texte qui raconte les derniers jours de sa mère, qui a le cancer, et c'est très bouleversant. Ça me rassure, les gens qui sont capables de dire les choses, qui font pleurer. Parce que pleurer fait du bien aussi. Avoir une lecture qui nous remue, nous déstabilise et nous permet de prendre position dans notre propre vie, je trouve ça heureux. Alors c'est une auteure que je me plais à faire revivre tant que je peux.»

Image fournie par Québec Amérique

Une femme discrète de Catherine Perrin

Autoportrait au radiateur de Christian Bobin

«C'est le livre que j'ai offert le plus souvent, j'ai dû l'offrir 80, 100 fois! C'est comme un journal intime concentré autour de quelques fleurs dans sa maison, autour de la lumière. Il y a une phrase dedans qui a changé ma vie: "M'éloigner assez de moi, pour qu'enfin quelque chose m'arrive". Ça m'a ébranlé, car ça dit qu'il faut avoir le courage de ses vertiges, ce que je dis à ma manière dans le livre que je publie avec Simon Boulerice, Moi aussi j'aime les hommes. On peut ouvrir ce livre à n'importe quelle page et trouver quelque chose qui raisonne. Le tout dans la simplicité: ce n'est pas une littérature inaccessible. J'espère que les libraires l'auront toujours en magasin, car je vais sûrement en racheter d'autres!»

Le bonheur c'est quand c'est l'heure, collectif, Les Impatients

«C'est un livre dans lequel plein de gens donnent leur définition du bonheur. Ce genre de littérature est nécessaire car ce sont des histoires humaines, accessibles. Le bonheur, ce n'est pas gagner le million, s'acheter un bateau et aller aux Bahamas. Il peut être très banal, comme s'assoir sur un banc de parc et accueillir un rayon de soleil. Ce n'est pas quelque chose qu'on se raconte au téléphone, mais quand on le lit, ça nous amène à nous arrêter et à nous dire: moi aussi j'aime ça. Ce n'est pas vrai que dans une journée, il n'y a pas de bonheur. Il faut seulement être témoin de ce qui nous entoure.»

Image fournie par Folio

Autoportrait au radiateur de Christian Bobin