Qui dit beau livre dit Taschen. La maison d'édition allemande, qui célèbre cette année ses 35 ans, est l'incontestable première de classe du livre d'art. À l'occasion du passage au Salon du livre de Montréal de Thomas Vivien, directeur des marchés francophones de la maison, nous en avons profité pour décortiquer le côté spectaculaire de cet éditeur qui a fait sa marque.

20 millions

Taschen est l'éditeur de la démesure: 20 millions de livres vendus chaque année, des antennes dans tous les pays du monde, une moyenne de 80 titres par an (environ 50 % de publications originales, 50 % de rééditions), et des publications dans une vingtaine de langues. «C'est vrai qu'on parle beaucoup de chiffres quand on parle de Taschen, admet le directeur des marchés francophones Thomas Vivien. On aime bien le hors-norme, le différent, mais aussi à l'inverse offrir des ouvrages très complets à des prix accessibles.»

René Magritte

C'est la première monographie publiée en 1984 par le jeune Benedikt Taschen. En 1980, à 18 ans, il avait déjà fondé sa propre maison d'édition de BD et, quatre ans plus tard, il rachetait les 40 000 exemplaires invendus d'un livre en anglais sur le peintre surréaliste belge, les revendant à petit prix. L'année suivante, un livre Taschen sur Picasso, tout aussi peu cher, connaissait un grand succès. «Taschen a révolutionné la manière de faire le livre d'art en le faisant sortir de son carcan élitiste», dit Thomas Vivien.

Helmut Newton

L'autre révolution Taschen a eu lieu en 1999, lors de la publication de l'édition collector de 400 photographies du sulfureux Helmut Newton. Le «Sumo» de 464 pages, qui mesurait 50 cm sur 70 cm, a été tiré à 10 000 exemplaires signés par l'artiste. «Ç'a été le livre le plus gros, le plus cher, le plus lourd, raconte Thomas Vivien. C'est lui qui a ouvert la voie vers tout ce qu'on produit aujourd'hui en éditions limitées en étroite collaboration avec les artistes.»

6000 $

C'est le prix du livre Taschen le plus cher en ce moment sur le marché. Il s'agit d'une édition collector sur les Rolling Stones, tirée à 1150 exemplaires, tous signés par les quatre membres du groupe. Opération qui n'a pas été si simple... «Comme ils n'étaient jamais au même endroit au même moment, ou si oui, alors pas forcément dispo pour signer, on a dû envoyer chez l'un et chez l'autre des caisses blindées remplies de livres, partout dans le monde...» Une édition grand public de ce livre, plus accessible, est également sortie l'an dernier. Est-ce le cas chaque fois? «On le fait quand c'est pertinent et quand l'ouvrage s'y prête. Il n'y a pas de règle là-dessus.»

16,95 $ 

Tout en réalisant des éditions limitées de luxe et en travaillant pour des galeries d'art et de grands hôtels, Taschen poursuit sa vocation de publier des livres à petit prix. La maison vient d'ailleurs de rééditer toute sa série de Basic Arts, qui se vend à 16,95 $. Ces monographies d'artistes sont ainsi vendues à «des milliers et des milliers d'exemplaires» dans au moins sept langues, dit Thomas Vivien, plutôt avare de chiffres précis. «Bien sûr que c'est le volume qui nous permet de vendre ces livres aussi peu cher. Mais quel que soit le prix, ça ne se fait jamais au détriment de la qualité du papier, du design, du travail sur la reproduction des couleurs.»

60 kg 

C'est le poids de Genesis, recueil en deux volumes du photographe brésilien Sebastião Salgado, qui vient dans un porte-livre créé par Tadao Ando. «C'est notre livre le plus lourd. Si on est très fort, on peut le porter, mais comme il est aussi long, c'est à peu près impossible!»

Yoga

Est-ce que tout peut faire l'objet d'un beau livre? «On pourrait traiter à peu près de tous les sujets, ça dépend de l'angle choisi et du design proposé», estime Thomas Vivien. Art, architecture, érotisme, design, cinéma, BD, musique populaire ont été des sujets récurrents au cours des années, mais Taschen réussit à nous surprendre encore, comme cette année avec un beau livre sur le yoga. «Il y a beaucoup de livres pratiques sur le yoga, mais cet ouvrage en grand format de photos de maîtres yogis très connus nous amène ailleurs.» Le choix des sujets est fait par les équipes éditoriales, mais c'est le fondateur Benedikt Taschen qui prend les décisions et reste «l'âme» de la maison.

James Bond

«Pour résumer, si c'est pour éditer un ouvrage qui a déjà été fait, on ne le fait pas», laisse tomber Thomas Vivien. Par exemple, une autre nouveauté Taschen en cette fin d'année est l'ouvrage Les archives James Bond, bourré de matériel exclusif. «Nous avons travaillé en étroite collaboration avec les productions Eon et nous avons eu accès à un fonds de photos et d'archives que personne n'avait exploité encore aujourd'hui.» Comment font-ils pour convaincre les Stones ou la famille de Charlie Chaplin de collaborer? «Nous arrivons avec une expertise et une expérience qui nous donnent notre légitimité. Qualité, contenu, design: nous avons toujours été fidèles à ce que nous annoncions et les gens le savent.»