Le plus grand critique littéraire allemand, Marcel Reich-Ranicki, est décédé à l'âge de 93 ans, a annoncé mercredi le quotidien Frankfurter Allgemeine Zeitung, dont il a longtemps dirigé le cahier Livres.

Au printemps Reich-Ranicki, qui fut longtemps la voix la plus influente des belles-lettres allemandes, avait annoncé publiquement souffrir d'un cancer de la prostate.

Né en 1920 en Pologne, d'un père juif polonais et d'une mère juive allemande, Marcel Reich passe son adolescence à Berlin, où il se prend de passion pour la littérature et le théâtre.

En 1938, on lui refuse son inscription à l'Université de Berlin parce qu'il est juif, et il est expulsé vers la Pologne où il connaît l'enfer du ghetto de Varsovie. Mais il échappe à la déportation vers les camps de la mort en fuyant en 1943 en compagnie de sa femme Tosia.

Ses parents, ses beaux-parents et son frère n'ont pas survécu à l'Holocauste.

Après guerre, il fonde une famille - son fils Andrew est aujourd'hui professeur de mathématiques à l'Université d'Édimbourg en Écosse - et travaille un temps pour les services secrets de la Pologne communiste à Londres, où il prend le nom de Ranicki, mais est ensuite exclu du PC en raison de son peu d'enthousiasme pour le dogmatisme stalinien.

Autodidacte, mais doté d'une immense culture, il revient s'installer définitivement en Allemagne de l'ouest en 1958 et devient critique littéraire, d'abord pour le prestigieux hebdomadaire Die Zeit (1960-1973), puis à la tête du service littéraire du quotidien conservateur Frankfurter Allgemeine Zeitung de 1973 à 1998.

Auteur de nombreuses anthologies et d'innombrables essais - mais aussi d'une autobiographie à succès, dont une adaptation télévisée a été diffusée en France sur Arte en avril 2009 -, il animera aussi pendant 13 ans, de 1988 à 2001 une émission télévisée extrêmement populaire, le Quartet Littéraire où furent discutés plus de 400 livres.

Ses avis très tranchés - et au goût de certains bien trop conservateurs - sur la littérature, faisaient trembler écrivains et éditeurs, dont il pouvait grandement influencer le succès ou l'échec.

Dans un communiqué, la chancelière Angela Merkel a exprimé sa «profonde peine» pour la perte «d'un ami incomparable de la littérature, mais aussi de la liberté et de la démocratie».

«Le fait que ce fils d'une famille juive germano-polonaise, qui a perdu ses parents et des proches dans les camps d'extermination nazie, ait su retrouver en Allemagne son chez-lui et qu'il ait tant donné à notre pays, fait partie des évènements d'après-guerre pour lesquels nous devons être reconnaissants», a-t-elle poursuivi.

«Cet homme passionné et brillant va me manquer», a-t-elle conclu.