On savait, à la CLASSE, que le gouvernement péquiste allait «décevoir». Mais lorsqu'en plus, la première ministre Pauline Marois a employé pendant le sommet sur l'enseignement supérieur le terme «psychodrame» pour qualifier la crise sociale de l'an dernier, «ça a passé de travers», soutiennent les deux auteurs de l'ouvrage De l'école à la rue, qui sort en librairie mardi.

Renaud Poirier St-Pierre, ancien attaché de presse de Gabriel Nadeau-Dubois, et son coauteur Philippe Éthier, qui fut membre de l'exécutif de la Coalition large pour une solidarité syndicale étudiante (CLASSE) pendant le conflit étudiant, ne se privent pas de décocher certaines flèches à l'endroit de la première ministre en entrevue.

«Pendant la grève, on était contents qu'ils nous appuient, ça donnait un écho à notre message à l'Assemblée nationale», reconnaît Philippe Éthier, attablé dans un café à l'intersection des rues St-Denis et Ontario, qui a vu défiler son lot de manifestants au cours des derniers mois.

«Mais on savait qu'elle (Pauline Marois) allait nous décevoir à un moment donné, renchérit son coauteur, assis à ses côtés. Ça c'était sûr, moi je ne me faisais pas d'illusion avec le Parti québécois. Pis Pauline Marois, là, elle a essayé de hausser les frais de scolarité en 1996, alors tu vois qu'elle a une vision très comptable de l'éducation.»

Les deux compagnons d'armes se permettent aussi certains propos au sujet de l'attaché parlementaire de Mme Marois - et ancien du mouvement étudiant - Léo Bureau-Blouin, qui est selon eux responsable de l'exode de certaines associations collégiales au profit de la CLASSE pendant le conflit, et de l'Association pour une solidarité syndicale étudiante (ASSÉ - l'un des membres de la coalition temporaire de 2012) après la dissolution de la coalition.

Et le nouveau député de Laval-des-Rapides, laissent-ils entendre, en est venu à bafouer le principe de front commun. «Léo, à la fin, il avait trois cégeps en grève, c'est sûr que l'intérêt de son organisation, c'était de finir ça (conclure une entente avec le gouvernement). La FEUQ est restée plus ferme», suggère Renaud Poirier St-Pierre.

Reste que, disent-ils, en publiant De l'école à la rue, qui se veut un bilan de la crise étudiante qui a secoué le Québec et provoqué des élections générales anticipées, les deux étudiants âgés de 23 ans ont cherché à éviter les règlements de compte.

«Au départ, j'avais incorporé des anecdotes qui relataient des conflits un peu plus personnels, et on a décidé que ça, on n'allait pas en parler», expose l'ancien attaché de presse de «GND», qui raconte s'être fait cracher dessus, bousculer et jeter des objets par la tête dans la semaine après que l'ancien ministre de la Sécurité publique, Robert Dutil, eut directement ciblé le coporte-parole de la CLASSE à l'Assemblée nationale.

«Il y a beaucoup de gens qui pensent que la grève a débuté un peu comme un espèce de stimuli, qu'on avait haussé les frais de scolarité et qu'il y avait eu une grève. (...) On voulait montrer que le mouvement étudiant n'était pas une espèce de bête irrationnelle qui ne réfléchissait pas à ce qu'elle faisait», ajoute-t-il.

Dans l'ouvrage, qui a parfois des airs de dissertation socio-politique et à d'autres moments des allures de guide pratique pour les futures générations de militants de l'ASSÉ, les auteurs y vont de certains mea-culpa - reconnaissant, entre autres, que sur le plan des pourparlers avec les décideurs, le regroupement étudiant n'avait pas été à la hauteur.

«C'était la première fois de son histoire que l'ASSÉ se retrouvait à une table de négociations, alors c'est sûr que tout n'a pas été parfait», avance M. Poirier St-Pierre.

«Il y avait des gens, à l'intérieur de la CLASSE, qui ne voulaient pas qu'on aille négocier. Qui voulaient qu'on reste à l'extérieur de la table de négociations, qui ne voyaient pas à quoi ça pouvait mener», complète M. Éthier.

Puisqu'il est question de négociations, il est évidemment question du fameux moment où les trois leaders étudiants ont dû, en plein milieu du sprint de négociations, sortir de la salle pour dénoncer les actes de violence qui avaient cours à Victoriaville pendant un caucus des troupes libérales.

Dans leur ouvrage, les deux militants écrivent que la demande émanait du premier ministre Jean Charest.

Or, ils ont tout faux, a confié en entrevue téléphonique Martine Desjardins, présidente de la Fédération étudiante universitaire du Québec (FEUQ), qui est qualifiée de «négociatrice en chef» dans le livre.

«C'est moi qui l'ai demandé. À un moment donné, j'ai vu les dirigeants des centrales syndicales et les négociateurs du gouvernement sortir de la pièce pour discuter à l'écart. Je savais qu'ils allaient quitter, alors j'ai demandé à ce qu'on accroche Gabriel (Nadeau-Dubois). Même s'il devait faire des sourires à côté de moi, il fallait que nous fassions une sortie», se souvient-elle.

L'ouvrage De l'école à la rue, dans les coulisses de la grève étudiante sort le même jour qu'un autre bouquin sur le conflit étudiant, Le printemps québécois, une anthologie, aux éditions Écosociété. Le lancement officiel est toutefois prévu pour le 22 mars, afin de souligner l'anniversaire de la grande manifestation qui avait attiré des centaines de milliers de personnes l'an dernier dans les rues de Montréal.