Le 35e Salon du livre de Montréal prenait son erre d'aller, jeudi. Tranquillement. Premières hordes d'écoliers en uniforme, premiers coude-à-coude dans les allées, première (et, d'après ce qu'on a vu, seule) file d'attente, normale, habituelle, au stand de La Pastèque, devant la table du bédéiste rosemontois Michel Rabagliati, ancien louveteau -- il a illustré le calendrier scout 2013 -- et père de Paul qui était au parc la dernière fois qu'on l'a vu.

Rien de tel à La Goélette mais La Presse a quand même attendu son tour pour parler à Martin Michaud, l'auteur de Je me souviens, Prix Saint-Pacôme du roman policier et lauréat du Arthur-Ellis Award 2012. Joli doublé pour celui que d'aucuns appellent le nouveau maître du polar québécois. Qui était l'ancien, encore?

Devant nous, trois personnes, trois femmes, trois lectrices de polars. Le fait que ce roman mette en (presque) vedette une détective (enquêteure? enquêtrice?) a-t-il à voir avec cet intérêt féminin? Que cherche le lecteur, la lectrice, dans un polar? «Les gens csont en quête d'émotions fortes», répond Martin Michaud de sa voix parfaitement posée. «Ils veulent avoir les pieds dans le vide... et la certitude qu'ils ne vont pas tomber». De façon peut-être moins consciente, le lecteur cherche aussi à se libérer de ses pulsions malsaines, dira encore l'auteur de Il ne faut pas parler dans l'ascenseur, se défouler par la catharsis, ce processus de purification issu du théâtre grec mais qui peut aussi s'appliquer au cinéma, à la télévision et à la littérature. Une des interprétations les plus populaires de la catharsis est que la représentation d'actes moralement répréhensibles dont regorgent les polars permet au spectateur/lecteur de se libérer de ses angoisses et frustrations, ce qui l'aidera, le lendemain, à ne pas monter dans la face de son voisin de bureau qui raconte par le menu ses nuits d'insomnie.

Plus près de nous, comme on dirait, l'apport «culturel» du polar québécois est qu'il met en scène dans des lieux connus -- l'histoire se passe à Montréal -- des personnages auxquels le lecteur peut s'identifier. Le héros s'appelle Victor Lessard, peut-être votre voisin sur le Plateau. Ça change du flic danois qui se saoule sur la pointe de Skagen...

Et rencontrez donc la détective Jacinthe Taillon, la nouvelle locataire d'en haut... «Jacinthe, ce n'est pas la belle fille de CSI», lance Martin Michaud en faisant référence à la blonde Marg Helgenberger de la célèbre télésérie Crime Scene Investigation. «Jacinthe Taillon est grossière, elle est violente, elle n'a peur de rien et elle m'a obligé, comme auteur, à la reconsidérer. Elle ne sert pas du tout de faire-valoir à Lessard qui, lui aussi, doit s'adapter à sa coéquipière des Crimes majeurs...»

Surtout quand elle lui lance: «Hèye! Lessard, fais pas ta tapette...»

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S'agit pas de ça du tout entre Ghislain Devroede et André Petrowski qui viennent de lancer chez Payot Lettres d'un homme à un autre. André Petrowski, 82 ans, c'est le père de «l'autre», homme de cinéma, biographe (Jean-Claude Lauzon) et romancier (L'Or), avec l'oeil vif de celui qui en a vu et qui veut en voir encore. «Ça 17 ans qu'on se parle d'affaires d'hommes», dira le cinéaste en parlant de son ami chirurgien à qui l'on doit aussi Ces enfants malades de leurs parents (avec Anne Ancelin Schützenberger).

«Le féminisme a beaucoup ébranlé les hommes de notre génération», affirme M. Devroede, 74 ans, professeur à l'Université de Sherbrooke et, même si son CV ne le dit pas, chercheur de vérité. Dans leur Lettres, les vieux amis abordent la paternité et la sexualité, le «sentiment de culpabilité» devant les échecs de tous ordres, la vieillesse et la mort, et «les femmes, les femmes, les femmes».

«Après une rupture, raconte Ghislain Devroede, mon fils de 22 ans m'a dit: «Pa, je viens de comprendre la différence entre une chagrin d'attachement et un chagrin d'amour». Je lui ai dit: «Bravo, mon gars! T'es rendu plus loin que ton père!»

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Olivier Adam, auteur du roman Les lisières, à Gilles Archambault dans le cadre d'une Confidence d'écrivain: «Ce que j'aime faire de mes personnages, c'est de leur couper toutes les ficelles pour voir ce qu'il reste quand il n'y a plus rien». Adam, «c'est du lourd», comme disent nos amis français... Le lauréat du prix du roman populiste pour À l'abri de rien (2007) sera au stand de Flammarion vendredi de 18 à 19h. Un taupin avec de la plume. Et pas de foulard.