Des vies d'oiseaux. «Des vies légères, minuscules. J'avais l'impression de les voir voleter», dit Véronique Ovaldé en parlant des personnages qui ont inspiré le titre de son roman. Une fille et sa mère. Paloma et Vida, qui signifie vie en espagnol. Sans oublier le bel Adolfo, libre comme l'air.

Un café parisien dans Montparnasse. Neuf heures. L'auteure se présente, fidèle au rendez-vous. Menue, délicate, un peu pâlotte. Mais c'est peut-être le rouge vif soutenu de ses lèvres qui donne cette impression. Chose certaine, elle ne vient pas de sortir du lit. Il lui a fallu traverser tout Paris, à partir du XVIIIe où elle habite. Un temps précieux que le métro lui permet de consacrer à la lecture. Le jour de notre entretien, elle lisait La femme et l'ours de Philippe Jeanada. «Très drôle. Humour désenchanté.»

La nuit, elle écrit. Très tôt aussi le matin. Et avec beaucoup de succès, tant auprès du public que de la critique. Son précédent roman, Ce que je sais de Vera Candida, qui met en scène quatre générations de femmes, lui a valu entre autres le Grand prix des lectrices de Elle. Il a aussi été en lice pour le Goncourt, tout comme Des vies d'oiseaux, qui lui aura permis de se maintenir au rang des candidats jusqu'à l'avant-dernière étape, et d'être aussi sélectionnée pour le Renaudot et le Femina.

La petite porte

Véronique Ovaldé n'a pas une vie simple. D'emblée, elle l'admet. Le jour, elle travaille comme éditrice chez Albin Michel. Pour y arriver, elle a gravi toutes les étapes. «Je suis entrée, dit-elle, par la porte technique», c'est-à-dire à l'imprimerie, comme fabricante. Mais son désir était, dès le départ, de publier sous sa signature. Ce qu'elle a réussi en 2000 avec Le Sommeil des poissons. Elle avait 28 ans et continue depuis sur cette lancée. Des vies d'oiseaux est son huitième titre.

Fidèle à son habitude, elle amène ses lecteurs dans un territoire imaginaire. «Je bénéficie d'une plus grande liberté», dit-elle. Nous voici donc dans un pays d'Amérique latine. Les gens riches vont en vacances au Chili ou au Brésil. Ça se passe au bord de la mer. La première phrase nous fait tout de suite entrer dans l'action: «On peut considérer que c'est grâce à son mari que madame Izarra rencontra le lieutenant Taïbo. Monsieur Izarra avait tenu à appeler le poste de police...»

Vida, puisque c'est d'elle qu'il s'agit, se cache désormais sous les traits de madame Izarra. En se mariant, elle a perdu son nom et, du même coup, renié ses origines. Pour un temps seulement. «J'aime quand les personnages existent grâce à leurs actes; on les découvre par ce qu'ils font, dit l'auteure, et non de l'intérieur.» Monsieur Izarra, prénommé Gustavo, a quant à lui belle apparence («dans sa chemise à fines rayures Ralph Lauren, avec son teint éternellement bronzé et son absence de calvitie»), mais se révèle absolument désagréable, dominateur.

Refaire des vies

Dans cette maison juchée sur la colline Dollars a grandi Paloma, fille unique, jeune vingtaine, en rupture avec ses parents et leur style de vie. Envolée du nid dans les bras du bel Adolfo qui, apprendrons-nous, est originaire du même petit village de misère que Vera. Comme des oiseaux sur la branche, ils vivent d'amour et squattent de villa en villa, profitant de l'absence des propriétaires. Le lieutenant Taïbo aura pour mandat de résoudre l'énigme. D'apparence taciturne, il se révèle de plus en plus attirant, voire irrésistible aux yeux de Vera.

À ces deux personnages très différents, Véronique Ovaldé a voulu offrir, dit-elle, la possibilité de reprendre leur vie. Son roman met en lumière le fossé qui sépare les classes sociales. Il parle aussi de la relation mère-fille. Des sujets qu'elle connaît bien. «J'ai eu une enfance pas très gaie.» Elle n'a pas envie de donner de détails, mais dira quand même que sa propre soeur n'accepte pas qu'elle écrive, que son père n'a jamais lu ses livres. Sa mère, par contre, se montre «très fière».

Ce n'est pas non plus un hasard si ses romans se déroulent dans un monde latino. Ses grands-parents étaient espagnols.

Et pourquoi écrit-elle la nuit? En plus de travailler le jour, elle est la maman de Balthazar, 13 ans, Paula, 9 ans, et Antonia, un an, «un bébé qui ne dort pas».

Une vie assez compliquée, donc. Mais qui ne l'empêche pas de créer, d'inventer des histoires. Pour le plaisir des lecteurs.

Des vies d'oiseaux

Véronique Ovaldé

L'Olivier, 235 pages