En se mettant au monde avec Nikolski, la maison Alto était promise à un brillant avenir. Cinq ans plus tard, on s'incline devant le flair de son fondateur Antoine Tanguay, qui cumule les prix littéraires et rallie des lecteurs de tous âges et tous horizons. Bien en selle, l'éditeur de Québec lorgne ces jours-ci le livre illustré et fait le point sur ces cinq ans d'audace et de création.

En 2005, lorsqu'il s'est lancé dans l'arène littéraire, Antoine Tanguay a eu droit à des regards inquiets de la part de ses amis et confrères du milieu de l'édition. Ces derniers ont vite été rassurés: un volcan nommé Nikolski a vite propulsé sa maison Alto dans les cieux du succès.

«J'arrivais, dès le départ, avec une proposition éditoriale différente de ce qui existait. Nikolski incarnait cette couleur et un esprit plus anglo-saxon», évoque cet ex-journaliste qui, dans sa ville natale de Québec, mène joyeusement la prolifique galère d'Alto.

Pour les amateurs de chiffres et de tableaux de rentabilité, il était sans doute insensé de s'engager dans une littérature inventive et hors-norme dans un contexte où, pour citer Tanguay, «les livres ne se vendent plus et l'espace médiatique est de plus en plus restreint».

Fort heureusement pour ses lecteurs (et les auteurs qu'il publie), Antoine Tanguay aime davantage les auteurs que les tableaux Excel. «Je ne voulais pas faire un Boréal 2 ou un Leméac 3», confie celui qui a publié les Martine Desjardins, Dominique Fortier, Rawi Hage et traduit pour le Québec Margaret Lawrence, Anne Michaels ou Marina Lewycka.

Éloge de la «matante»

Antoine Tanguay a 34 ans, fait sa promo via Twitter et Facebook et se fait connaître des lecteurs européens grâce à sa fréquentation des salons du livre. Il estime que la force d'une petite maison d'édition comme la sienne est «son caractère humain et accessible».

Cinq ans après la publication du premier titre de Nicolas Dickner, Antoine Tanguay rapporte que son lectorat est divisé entre des jeunes qui lisent des titres comme Nikolski et des lecteurs de plus de 40 ans (des femmes en majorité), boulimiques de lecture qui se laissent séduire par des auteurs comme Anne Michaels.

«Prenons Maleficium, par exemple. J'étais convaincu que c'était un livre trop «weird» pour les «matantes.» C'était la même chose avec Effigie, d'Alissa York: je trouvais que c'était long et sombre, avec ses 600 pages. Mais elle est plus curieuse qu'on pense, la matante!»

Pour marquer les cinq ans de la maison, Antoine Tanguay a lancé une collection de petits livres à tirage limité de courtes nouvelles signées Martine Desjardins, Nicolas Dickner, Christine Eddie, Max Férandon et Serge Lamothe, en vente dans les librairies indépendantes.

«J'aime les petits et les gros projets. Choisir ses petits cartons, cela coûte peut-être cher, mais ramène aussi le côté artisanal dans une industrie robotisée de production automatique, où le système de subventions nous force à produire», confie l'éditeur qui «aime la littérature où on se perd.»

«Je ne fais pas que des bons coups, mais j'ai un plaisir fou à les faire.»