Encore une fois réédité, pour que chaque génération puisse en prendre connaissance, ce court récit d'Henri Alleg sur son expérience de «torturé» aux mains des militaires coloniaux français dans la banlieue d'Alger en 1957 est devenu, malgré les saisies et les interdictions des éditions parues entre 1958 et 1961, un classique de la littérature engagée, dénonciatrice des dérives militaires et politiques..

 

La question est un texte capital qui, comme J'accuse de Zola, interpelle l'honnêteté morale universelle. Alleg, directeur d'Alger Républicain, journal démocrate que le gouvernement colonial ferma en 1955, fut arrêté en juin 1957 pour «atteinte à la sûreté de l'État» et «passé à la question», autrement dit torturé. Il écrivit à la dérobée tout ce qu'on lui faisait endurer, dont la tristement célèbre «gégène», l'art d'électrocuter un corps au maximum sans le tuer.

Texte cru, net, sans style ni apitoiement, seulement un récit décrivant ce que des hommes en uniforme peuvent faire à un homme dévêtu pour le faire parler. À l'heure (passée?) de Guantanamo et d'Abou Grahïb, ce texte demeure essentiel. C'est une des victoires intellectuelles dans ce que Mauriac appelait «la bataille de l'écrit». Né en 1921, Henri Alleg vit encore. Lire son récit, ce cri maîtrisé, ces phrases écrites en cachette dans la clarté d'une langue classique, est un devoir de mémoire et de conscience. On ne peut que saluer la maison d'édition qui, depuis un demi-siècle, continue de faire circuler La question...

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La question

Henri Alleg

Éditions de Minuit, 93 pages, 12,95$