Nous sommes un après-midi d’automne, dans le jardin animé d’une chic maison de banlieue. Quelque part dans un quartier embourgeoisé, comme il en existe tant, un peu partout. Ici et là, les enfants s’amusent, innocemment. De leur côté, les adultes trinquent, placotent et se zieutent. Pas exactement innocemment, comprend-on rapidement.

C’est dans cette atmosphère qui n’est pas sans rappeler la populaire série des années 2000 Desperate Housewives que commence le fascinant nouveau roman d’Ashley Audrain, cette Ontarienne sacrée phénomène littéraire en 2021, qui a séduit la planète entière avec son glaçant premier opus, Entre toutes les mères (The Push). Un texte qui, trois ans plus tard, nous habite encore.

Ça vous donne une idée de la puissance de l’écriture de l’autrice, qui revient ici en force, et en exploitant toujours les thèmes tortueux de la maternité, quoique à un tout autre niveau. Peut-être moins audacieux (tordu ?) que le premier, ces Murmures n’en sont pas moins ensorcelants. Le genre de livre qu’on lit d’un trait, un vrai page turner, en bon français.

On vous résume rapidement pourquoi. C’est que pendant ce cocktail bon enfant, sans crier gare, l’hôtesse, une certaine Whitney, femme de carrière et de tête et mère de trois enfants, disparaît tout à coup. Du troisième étage, ses convives l’entendent malgré eux (malgré elle !) hurler des obscénités à son aîné, le petit Xavier, 10 ans. Exit le vernis de perfection qui brillait jusqu’ici. Quelques pages et mois plus tard, nous voici aux urgences de l’hôpital du coin. Un enfant de 10 ans, ce même Xavier, est apparemment tomé d’une fenêtre, au beau milieu de la nuit. Son petit corps inanimé est entre la vie et la mort.

Glaçant, vous dites ? Est-il tombé accidentellement, volontairement, se pourrait-il qu’il ait été poussé, par un geste aussi monstrueux que désespéré ?

Le doute nous taraude et nous obsède tout le long de ce thriller à couper le souffle, un suspense psychologique au féminin, fort habilement tricoté, plus serré qu’on pourrait même l’imaginer.

C’est que tranquillement, mais sûrement, et grâce à de courts chapitres, et plusieurs allers-retours dans le temps, alternant entre le récit d’une voisine, puis d’une autre, l’autrice développe son intrigue. Certes, c’est parfois un poil étourdissant. Mais c’est aussi ce qui fait toute la richesse du texte, puisque ces femmes ont toutes des vies beaucoup plus compliquées que ne le laissent deviner leurs platebandes fleuries.

Outre la fameuse Whitney, pour qui la maternité est un poids et la carrière une bouée, on découvre son antithèse et bonne amie Blair, mère au foyer heureuse quoique conjointe éteinte. Il y a aussi Mara, octogénaire immigrée au passé trouble, et à la maternité assez déchirante, merci. Et enfin, pour compléter le portrait : Rebecca, médecin et seule femme sans enfants du lot, qu’on croit a priori épargnée par les affres de la chose. Et on a évidemment tout faux.

On nage ici en plein thriller maternel, certes, mais aussi féminin, amoureux, où infidélité, identité, liberté et culpabilité s’entremêlent joyeusement. Ou disons plutôt : cruellement. Un livre dérangeant à souhait et à dévorer sans hésiter.

Des murmures

Des murmures

JC Lattès

375 pages

8/10