Dévoilé mardi, le bilan Gaspard dresse un état des lieux des ventes de livres au Québec, catégorie par catégorie. Les chiffres compilés, portant sur l’ensemble de 2023, laissent entrevoir une situation plutôt stable dans l’ensemble, certains secteurs comme le voyage ou la littérature sentimentale ayant reconquis le cœur de nombreux lecteurs, la bande dessinée et les biographies ayant également tiré leur épingle du jeu.

Des variations générales subtiles

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On note un très léger repli du nombre d’exemplaires vendus par rapport à 2022.

Dans l’ensemble, toujours tracté par les deux colosses commerciaux que sont le livre jeunesse (23,7 % de part de marché en 2023) et la littérature (21,9 %), le marché s’est maintenu à flot, avec un léger recul du nombre d’exemplaires vendus (-0,8 %), mais une petite progression des recettes. Il faut cependant rappeler deux mises en contexte importantes, soit la situation d’inflation observée en 2023 ainsi que les fortes croissances connues fin 2020 et en 2021, plaçant la barre très haut. « En 2022, les acquis de l’année précédente ont été conservés, et c’est encore le cas en 2023. Les ventes se maintiennent en général, le marché va bien par rapport à d’autres secteurs culturels qui ont plus souffert », estime Patrick Joly, directeur général de la Banque de titres de langue française (BTLF), société analysant l’univers commercial du livre depuis 12 ans.

Les ténors commerciaux de 2023

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Michel Jean a mené le bal des ventes littéraires l’an passé avec Qimmik et Kukum.

Sans plus attendre, voici les cinq titres, toutes catégories et provenances confondues, qui se sont le plus vendus au Québec l’an passé, en nombre d’exemplaires : le tome 40 des aventures d’Astérix, L’Iris blanc, Le Guide de l’auto 2024, Qimmik, de Michel Jean, Nutshimit : un bain de forêt, de Melissa Mollen, et Rose à l’île, de Michel Rabagliati.

Si l’on considère seulement la catégorie littérature, Qimmik accède au trône, talonné par Kevin Lambert (Que notre joie demeure), Les armes de la lumière, de Ken Follett, Jamais plus, de Colleen Hoover, et Kukum, de Michel Jean. Enfin, en littérature jeunesse, les meilleures ventes ont été celles de Nutshimit : un bain de forêt, Alerte : culottes meurtrières ! (Elise Gravel), Lucie la mouffette qui pète et le pitou foufou ! (Shallow, Vannara), Rap pour violoncelle seul (Maryse Pagé) et Le gecko qui chantait trop haut (Rachel Bright).

Des sous-catégories revigorées

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Le livre Paul dans tous ses États, du regretté Paul Houde, a été prisé des lecteurs en 2023.

Si l’on passe la loupe sur certaines sous-catégories, on remarque que plusieurs d’entre elles ont tiré leur épingle du jeu, signant parfois des retours fracassants. L’exemple phare reste celui des guides et récits de voyage, dont les ventes ont repris (+31,4 %) après une baisse aussi logique que drastique dans les mois suivant 2020. « On voit qu’elle reprend du poil de la bête », souligne M. Joly, avec des titres-clés comme Du bitume et du vent, de Vincent Vallières, ou encore Paul dans tous ses États, du regretté Paul Houde. Autre segment qui a connu un pic : la littérature sentimentale (+53,3 % !), tirée vers les sommets par Colleen Hoover, Julia Quinn et Danielle Steel. En revanche, le directeur de la BTLF n’a pas vraiment d’explication pour éclairer cette performance ; preuve que le cœur a ses raisons que la raison ignore… Enfin, les biographies (+11,9 %) ont connu un bel essor, avec 100 % nature : confidences, de Marthe Laverdière, ou Pierre Gervais en prolongation, de Mathias Brunet.

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Astérix a trouvé beaucoup de lecteurs sur sa route.

L’appétit des Québécois pour les bandes dessinées ne s’est pas démenti l’an passé. Pour preuve, le champion 2023 toutes catégories des exemplaires vendus a été le plus récent Astérix. « Surtout sachant qu’étant sorti au mois d’octobre, il s’est hissé au premier rang en 10 semaines de vente seulement », précise Patrick Joly. La réussite ne sourit pas qu’aux Gaulois, mais aussi aux irréductibles Québécois, Michel Rabagliati voyant son livre illustré Rose de l’île au cinquième rang. Dans l’ensemble, les BD ont connu une croissance de près de 5 %.

L’inflation se met à la page

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La hausse du prix des livres est restée limitée par rapport à l’inflation générale.

L’inflation est venue jouer dans les plates-bandes sur les tarifs, mais le prix moyen est tout de même resté limité à 20,71 $, soit une légère hausse de 38 cents par rapport à 2022. « Il a augmenté moins vite que l’inflation ces dernières années, remarque M. Joly. Par contre, les coûts de production, comme ceux du papier ou des transports, ont augmenté », ce qui apporte un bémol aux recettes engrangées par les éditeurs.

Un drapeau bleu pas toujours rose

Si l’on observe l’édition québécoise de façon isolée, le tableau se ternit légèrement, avec un infime repli des recettes (-0,1 %). Le bilan Gaspard souligne que ce sont les livres scolaires qui servent de « bouée de sauvetage ». « Sans [le scolaire], les ventes des éditeurs d’ici auraient reculé encore davantage. La catégorie ravit même la deuxième position à la littérature d’ici, et ce, pour la toute première fois dans nos bilans », indique le document. La belle embellie du roman québécois connue en 2020 et 2021 (hausse des ventes au-delà de 20 %) est terminée, avec un recul de -2,9 % en 2023, suivant un décevant -4,7 % en 2022. La catégorie du livre pratique québécois est aussi en baisse, avec un fléchissement de -17,1 %.