Qui sont ces insolents qui ont valu à l’autrice le tout dernier prix Renaudot ? Trois Parisiens qui ont vécu des choses terribles, mais qui continuent malgré tout de vivre avec leur part d’ombre et d’avancer comme ils peuvent.

Au centre de leur trio qui risque de ne plus en être un, il y a Alex, une musicienne de 45 ans qui décide de quitter son petit appartement du Marais pour déménager dans une maison près de la mer, en Bretagne. Un départ qu’elle décide d’envisager comme un exil plutôt que le début d’une autre vie.

À son âge, elle ne connaît plus que des gens qui sont seuls ou « qui s’infligent des histoires aberrantes pour ne plus l’être ». Et c’est justement cette réflexion qui est à la base de sa décision : « Quand on se sent seule au milieu des autres, autant l’être pour de bon », se dit-elle. À sa vie amoureuse faite de nuits « sans intérêt », le plus souvent en compagnie de femmes nettement plus jeunes qu’elle, Alex a fini par choisir la solitude et c’est ce sentiment qu’elle embrasse sans crainte alors qu’elle s’installe dans sa nouvelle vie.

« Pourquoi, pour changer, il faut toujours mourir un peu en dedans. Pourquoi une nouvelle chose demande toujours d’en laisser une autre. » C’est avec des phrases comme celles-ci, à la fois d’une simplicité désarmante et d’une profondeur émouvante, que l’écrivaine pose un regard mêlé de cynisme et de désillusion sur la société, les relations éphémères, l’amour.

L’autrice a d’ailleurs vécu ce changement de vie qui est au cœur de son roman. Et si on reconnaît un peu d’elle-même dans son personnage (elle a été musicienne et mannequin avant d’être romancière, puis a quitté Paris pour la côte bretonne en 2019), c’est ce qui donne à son texte ce ressenti si particulier qui nous accompagne tout au long de la lecture. Ann Scott n’est pas de ces écrivains et artistes qui se rangent derrière les autres dans sa façon de penser, et elle exprime sa marginalité sans détour en tirant sur tout – sur l’internet qui a « tout détruit » pour les artistes, sur les réseaux sociaux, sur les influenceurs et même sur Netflix –, montrant du doigt le culte de la médiocrité qui domine notre époque.

En fin de compte, que fait-on de nos désillusions, de nos regrets, des rencontres qui nous ont changés et des horreurs qu’on a traversées une fois qu’on se rend compte qu’on a franchi la moitié de sa vie ? On se dépouille de tout pour se retrouver : c’est le constat qu’impose Ann Scott dans ce roman magistral.

Les insolents

Les insolents

Calmann-Lévy

194 pages

8,5/10