(Paris) L’une des premières BD entièrement dessinée par l’intelligence artificielle en France, initial_A. de Thierry Murat, sort mardi, autoéditée après avoir été refusée par l’édition classique.

S’il n’est pas le premier à publier une bande dessinée dont les dessins sont l’œuvre du logiciel Midjourney, Thierry Murat est un auteur reconnu de romans graphiques.

En France, Jiri Benovsky (Mathis et la Forêt des possibles) ou Mehdi Touzani (Le voyage à Ravine), et aux États-Unis Kris Kashtanova (Zarya of the Dawn) ou Steve Coulson (The Bestiary Chronicles) ont déjà eu recours à cette technique.

« Images promptées et générées par l’auteur sur un réseau neuronal artificiel », lit-on sur la page de titre d’initial_A.

Midjourney est un logiciel qui génère des images après une description de ce que recherche l’utilisateur, comme sujet et comme style.

Thierry Murat, 55 ans aujourd’hui, a déjà publié six titres aux éditions Delcourt, et six chez Futuropolis, quand il découvre l’outil, grâce à ses fils, et propose cette nouvelle BD à Delcourt.

Il signe avec lui un contrat en octobre 2022, termine le livre en mai 2023, pour une sortie prévue en août. Mais « la direction a annulé la parution », explique-t-il à l’AFP.

« D’ailleurs, ce n’est pas vraiment leur décision. Ce sont les pressions de trois salariés qui sont montés au créneau pour dire que c’était envoyer un mauvais signal », déplore l’auteur.

Celui-ci s’est alors tourné vers le financement participatif, sur la plateforme Ulule. Il y a réuni plus de 23 000 euros, lui permettant de lancer l’album avec un tirage de 2000 exemplaires, sous un label qu’il a créé, Log Out.

initial_A. montre une jeune fille solitaire du futur, sur une planète qui ressemble à la nôtre, dialoguant avec une voix désincarnée.

La nature du projet divise fortement le monde de la BD, entre ceux qui saluent son audace et ceux qui regrettent qu’il légitime un logiciel critiqué pour sa conception du droit d’auteur.

Midjourney, comme d’autres outils d’intelligence artificielle, puise en effet son savoir-faire dans le travail de dessinateurs ou illustrateurs, sans contrepartie.

Thierry Murat, s’il est conscient d’avoir « créé un malaise dans la profession », répond qu’il n’a l’impression d’avoir pillé le travail de personne : « Je n’ai rien fait d’illégal. Je n’ai pas mis en danger le secteur de l’édition. Je ne porte pas la responsabilité de l’invention de cette machine. Je suis juste un artiste libre, qui se permet de porter un regard sur le monde, en ajoutant cet outil dans ma trousse de créateur ».