Vous êtes déjà passé à travers tous les livres que vous avez rapportés de la librairie le 12 août dernier ? On ne vous croit pas. Quoi qu’il en soit, il n’y a jamais de mauvaise raison d’en ajouter un (ou deux, ou quatre) à la pile qui menace de s’écrouler sur votre table de chevet. Aperçu de la rentrée en romans, nouvelles et récits d’ici.

La vallée de l’étrange, J. D. Kurtness

La vallée de l’étrange

La vallée de l’étrange

L’instant même

120 pages

Aquariums, son précédent livre paru en 2019, a été décrit comme une fiction d’anticipation, parce qu’il représentait une humanité aux prises avec une épidémie d’une virulence inédite. C’est donc dire à quel point il faut se méfier des prophéties littéraires de J. D. Kurtness, qui, dans ce troisième roman, imagine dans un avenir proverbialement proche une entreprise québécoise commercialisant de petits robots à l’apparence d’enfants. À la suite d’un mouvement de protestation populaire qui verra ces jouets interdits, un de ces gamins artificiels, prénommé Sim, doit se réfugier à la campagne, chez un fermier. « Un Pinocchio des temps modernes », dit-on.

19 septembre

Une nuit de tempête, Yves Beauchemin

Une nuit de tempête

Une nuit de tempête

Québec Amérique

304 pages

À 82 ans, et avec un sens de l’humour noir manifestement intact, Yves Beauchemin prévient qu’Une nuit de tempête constituera fort probablement le point final de sa généreuse œuvre amorcée il y a 50 ans, parce qu’« écrire sénile, c’est pathétique. Écrire mort, extrêmement difficile ». Difficile de le contredire. L’auteur du Matou et de Juliette Pomerleau, maître du roman populaire dans ce que cette expression a de plus noble, raconte dans cette potentielle dernière œuvre la rencontre entre un homme ayant fait une vilaine chute sur un trottoir glacé et un urgentologue hébété, qui croit reconnaître dans ce patient son frère depuis longtemps en allé.

26 septembre

Havre-Saint-Pierre, Abla Farhoud

Havre-Saint-Pierre

Havre-Saint-Pierre

VLB

164 pages

La littérature québécoise a perdu en décembre 2021 une de ses femmes les plus attachantes. Tant à la ville qu’entre les pages de ses livres, Abla Farhoud aura incarné empathie, humour et curiosité envers son prochain. Son ultime œuvre renoue avec la forme du roman choral, qu’elle a embrassé avec maestria en 2005 dans Le fou d’Omar et en 2017 dans Au grand soleil cachez vos filles. Havre-Saint-Pierre croise ainsi la voix de deux frères vieillissants, qui partent en pèlerinage sur les traces de leur sœur, décédée cinq décennies auparavant. La fille et éternelle première lectrice de l’écrivaine, Alecka, en a supervisé le travail d’édition.

27 septembre

Un lac le matin, Louis Hamelin

Un lac le matin

Un lac le matin

Boréal

248 pages

Après le naturalise John James Aubudon, auquel il donnait chair dans Les crépuscules de la Yellowstone (2021), Louis Hamelin remonte à nouveau jusqu’au XIXe siècle, le temps d’un roman consacré à Henry David Thoreau. Allergique aux versions idéalisées de l’histoire avec un grand H, l’auteur de La rage met en lumière les contradictions d’un des penseurs américains ayant encore le plus d’influence sur la vie contemporaine des idées. Son récit Walden ou la vie dans les bois, chronique des deux ans, deux mois et deux jours qu’il a vécus encabané dans le bois, demeure évidemment une bible pour le mouvement écologiste, ainsi que pour les tenants de la simplicité volontaire.

3 octobre

D’enfers et d’enfants, Larry Tremblay

D’enfers et d’enfants

D’enfers et d’enfants

La Peuplade

160 pages

Il va de soi que les enfants devraient pouvoir grandir à l’abri de toute violence, mais le monde étant ce qu’il est, des gamins sont chaque jour arrachés au duvet de leur innocence par la tragédie, la guerre et l’injustice. C’est en partie autour de cette idée que Larry Tremblay construisait en 2016 son inoubliable roman L’orangeraie. Un terreau dans lequel il puise à nouveau entre les pages de ce recueil de cinq nouvelles (ou pour reprendre le chic terme qu’emploie sa maison d’édition, cinq « tableaux »), guidé par une vertigineuse question : « Pourquoi arrive-t-il qu’enfance et enfer se partagent la même saison ? »

4 octobre

Le destin c’est les autres, Claudine Bourbonnais

Le destin c’est les autres

Le destin c’est les autres

Québec Amérique

152 pages

Près de dix ans après Métis Beach, premier roman salué par la critique et le public, Claudine Bourbonnais se dépouille du paravent de la fiction et embrasse son propre je dans ce récit construit à partir de trois souvenirs personnels. Entre Londres, où elle a fait des études en sciences politiques, l’Égypte, où elle a séjourné un été afin d’apprendre l’arabe, et Montréal, où elle découvre la véritable identité d’un ancien camarade de classe arrêté durant leur passage à l’université, la cheffe d’antenne du Téléjournal week-end fouille la féconde intersection entre vérité et mémoire. Intrigant.

17 octobre

Qimmik, Michel Jean

Qimmik

Qimmik

Libre Expression

224 pages

Dans Tiohtiá:ke (2022), Michel Jean arpentait les trottoirs constellés de détresse de Montréal. Il s’envole maintenant vers le Nunavik avec Qimmik. L’écrivain innu y raconte à la fois l’amour entre Saullu et Ulaajuk, qui parcourent des kilomètres de glace et de neige en compagnie de leurs chiens, et quelques décennies plus tard, la soif de justice d’une avocate non autochtone appelée à défendre un Inuk accusé du meurtre d’anciens policiers. Mais comme c’est le cas de plusieurs de ses romans, dont Kukum, c’est en filigrane l’histoire d’un vaste territoire – lieu de liberté et de spoliation – que le journaliste met ici en récit.

18 octobre

Porter plainte, Léa Clermont-Dion

Porter plainte

Porter plainte

Le Cheval d’août

256 pages

Quatre longues années, c’est tout le temps – anxiogène, lancinant, interminable – que durera le processus judiciaire dans lequel s’est engagée Léa Clermont-Dion en octobre 2017, en portant plainte contre son ancien patron pour une agression sexuelle. Porter plainte, c’est aussi le titre du livre que la documentariste (Je vous salue salope, Janette et filles) a tiré de cette expérience qui s’amorçait alors que le mouvement #metoo libérait partout en Occident des paroles jusque-là ravalées dans la honte. Une enquête autobiographique, quelque part entre essai et récit, que l’on promet « radicale d’honnêteté » et d’une « volonté farouche de faire œuvre utile ».

24 octobre

Du bitume et du vent, Vincent Vallières

Du bitume et du vent

Du bitume et du vent

Mémoire d’encrier

216 pages

On le savait doué pour faire apparaître des personnages à l’aide d’une poignée de mots finement choisis et de quelques accords de guitare. Mais c’est un autre genre de conteur que Vincent Vallières a révélé durant sa dernière tournée en solo, en publiant sur les réseaux sociaux de courts récits de route, tous traversés par la conviction que comme le titre de son plus récent album l’espère, Toute beauté n’est pas perdue. Ces instantanés écrits à hauteur d’homme et de femme, autant d’antidotes au bordel ambiant, sont enfin rapaillés sous une même couverture qui, précise-t-on, recélera aussi de nombreux inédits.

23 octobre

Kanatuut, Natasha Kanapé Fontaine

Kanatuut

Kanatuut

Stanké

232 pages

Les littératures autochtones brillent depuis plusieurs années maintenant, non seulement par leur effervescence, mais aussi par la diversité des textes qu’elles mettent au monde. Après un détour par l’univers de la musique avec son incandescent minialbum Nui Pimuten, l’incontournable Natasha Kanapé Fontaine revient à l’écriture dans ce premier recueil de nouvelles sous-titré « La chasseresse ». La romancière et poète innue annonce un livre pulsant au rythme d’un « territoire sans merci », une œuvre faite « de surréalisme, de réalisme magique, d’onirisme, de créatures fantastiques ou réelles de la tradition orale et d’esprits de l’animisme ancestral ».

1er novembre