C’est le magazine français L’Obs qui, en 2021, a le mieux cerné le phénomène littéraire qu’est devenu Deborah Levy, avec un titre tout à fait à propos : « Deborah Levy, notre amie prodigieuse ».

Ce clin d’œil à l’écrivaine italienne Elena Ferrante, un autre phénomène littéraire, fait aussi écho à la familiarité qu’ont éprouvée tant de femmes en lisant la trilogie autobiographique de Deborah Levy (Ce que je ne veux pas savoir, Le coût de la vie et État des lieux). Les lectrices se sont reconnues dans cette femme au mitan de la vie qui tente de se (re)définir en dehors des rôles de mère et d’amoureuse qui l’ont façonnée. Au fil des pages, Deborah est devenue notre amie.

L’écrivaine originaire d’Afrique du Sud, qui s’est d’abord fait un nom en tant que dramaturge, a réussi à installer un ton intime qui nous donne presque l’impression de la connaître. On s’ennuie quand on a tout lu d’elle…

En attendant la traduction de son plus récent roman, August Blue, qui vient de paraître en anglais, il y a heureusement ce recueil de textes, La position de la cuillère – Et autres bonheurs impertinents.

Les éditions du sous-sol ont traduit et réuni sous une même couverture des textes épars de Deborah Levy – chroniques, essais littéraires, textes publiés dans des collectifs ou écrits pour des expositions – parus entre 1998 et 2021. Le résultat est une sorte de scrapbook dans lequel on découvre des bribes de la pensée de Levy. C’est comme si elle ouvrait son coffre aux trésors personnel pour nous faire découvrir les auteurs et les artistes qui l’inspirent.

Est-ce que tous les textes sont passionnants ? Non. Personnellement, je trouve que Deborah Levy est au mieux lorsqu’elle parle d’elle-même, c’est-à-dire lorsqu’elle utilise le matériau de sa vie pour réfléchir à des thèmes universels comme l’art, l’amour, la famille, la créativité ou l’amitié.

Analyses brillantes

Mais Levy est aussi une excellente lectrice, et ses analyses littéraires valent le détour. Elle réussit à nous faire redécouvrir des auteurs comme Duras, Plath ou de Beauvoir sous des angles différents et originaux alors que tellement de choses ont déjà été écrites à leur propos.

Ses analyses sont stimulantes et brillantes. À elle seule, son introduction d’une nouvelle édition de La Bâtarde de Violette Leduc vaut le détour.

Deborah Levy est aussi un esprit fin qui sait manier l’ironie, comme en témoigne le court texte « Une bouchée de Bloomsbury », un hommage à la fois à Virginia Woolf et aux parcs de Londres. Un petit bijou !

D’autres textes, comme « L’alphabet itinérant pour voix intérieures » ou « Le penseur et la penseuse » m’ont laissée indifférente. Peut-être que d’autres lecteurs les trouveront géniaux.

Il n’y a pas nécessairement de lien entre tous les textes de ce recueil, mais il y a un point commun qui les relie : l’intelligence vive et irrésistible de son auteure. Juste pour ça, cet ouvrage vaut le détour.

La position de la cuillère – Et autres bonheurs impertinents

La position de la cuillère – Et autres bonheurs impertinents

Éditions du sous-sol

201 pages

7,5/10